Viens donc voir (chanson country)

Face à cette maudite pandémie
J’ai pris des mesures de vie.
J’ai renforcé les protocoles
Mais sans fermer les écoles
Maintenant on fermera une classe au premier cas
Les ventilos à angoisse ne passeront pas.

Viens donc voir comment nos tables doubles sont séparées.
Viens donc voir comment ça s’passe quand y a pas les télés.
Viens donc voir nos fenêtres grandes ouvertes entrebâillées.
Viens donc voir comment on se tue la santé…

Viens donc voir comment le protocole est renforcé.
Viens donc voir nos cantines où on reste manger.
Viens donc voir la foule des couloirs à l’heure des récrés.
Viens donc voir tout c’qu’il reste à changer.

J’ai remonté les exigences
Qui étaient tombées bien bas
C’est ce qu’il faut pour la France
Les islamogauchistes ne passeront pas.
Maintenant, on connait la date de Marignan
Le beach-volley, le paddle, l’emplacement de Rouen

Viens donc voir ces programmes lourds et leur avancée.
Viens donc voir où on est car t’as pas allégé.
Viens donc voir c’qu’il en reste une fois un mois passé.
Viens donc voir ces cerveaux saturés.

Viens donc voir à quel point tout l’monde est fatigué.
Viens donc voir ces emplois du temps tout explosés.
Viens donc voir la pression que tu as renforcée.
Viens donc voir ta réforme du lycée.

J’ai enfin offert le choix
De faire c’qu’on aime, c’est sympa.
Grâce à mes spécialités,
Vous savez où vous allez.
Bac moins 3, bac plus trois, va donc où tu voudras
Et mécaniquement alors tu travailleras.

Viens donc voir c’que ça fait de choisir une spé.
Viens donc voir cette impression de se condamner.
Viens donc voir comme on croit qu’notre vie on va la rater
Viens donc voir ce que sont nos années.

Viens donc voir autre chose qu’tes lycéens sponsorisés.
Viens donc voir comment ça tangue au collège d’à-côté.
Viens donc voir les problèmes que tu as créés.
Viens donc voir ceux qu’tu as aggravés.

J’ai augmenté les enseignants
Et recalibré leur formation.
Il faut qu’ils bossent ces fainéants
C’est la honte de la nation.
Et si jamais un seul venait à manquer
Y a 95 % d’chances qu’il soit remplacé.

Viens donc voir ces méthodes qu’on n’a pas l’temps d’enseigner.
Viens donc voir comme elles nous manquent quand on a avancé.
Viens donc voir ce sentiment de toujours tout recommencer.
Viens donc voir mais t’es qu’un dégonflé…

Viens donc voir combien de nos profs sont remplacés.
Viens donc voir à quelle heure on peut s’connecter.
Viens donc voir combien d’temps met l’ENT à planter.
Viens donc voir si tu veux t’déplacer.

hgmatisse.free.fr/ViensDoncVoir.wav

Claire Loupiac, journaliste

1er août 1914

Je jette ces premières phrases sur un cahier à couverture bleue. Je sais qu’elles ne seront que les premières d’un récit sanglant.
Ce matin, le crieur de journaux a jeté à la ville l’épouvantable nouvelle.
Jaurès est mort !
Et Jaurès mort, c’est forcément la guerre… Lui seul avait assez d’autorité et de puissance morale pour écarter notre destinée de l’inéluctable. Déjà, je sens les faucons triompher, fourbir leurs armes.
Ce cahier sera mon cahier de guerre. Le repère, le guide, le phare de ma pensée, de ce que je suis.
Moi, Claire Loupiac, je fais serment ici de ne rien cacher de ce que je pourrais apprendre sur ce conflit qui se prépare à embraser toute l’Europe. Déjà la Serbie, l’Autriche-Hongrie, la Russie… Bientôt nous et l’Italie … Peut-être même les Anglais…
Je suis journaliste et ma plume ne saurait être bâillonnée. J’irai au plus près des combats pour que chacun sache, pour que chacun comprenne ce que c’est que le sang inutilement versé… Ce que c’est que la vermine qui gangrène, la folie qui monte, la bestialité qui reprend le dessus. Grand-père m’a raconté la Crimée, les tranchées devant Sébastopol.
Et je n’ai rien oublié.

3 août 1914

Raymond Armengaud n’a pas été facile à convaincre. Alors que l’évidence crève les yeux, il n’est toujours pas persuadé de l’imminence de la déflagration. Certes, l’Allemagne a déclaré la guerre à la Russie… et la Russie est notre principale alliée mais…
– Cela ne prouve rien, mademoiselle Loupiac ! C’est une guerre de sauvages… Nous, dans cette partie de l’Europe, nous sommes civilisés… Nous connaissons les dangers des armes modernes…
– Ce n’est pas ce que je vous demande, monsieur Armengaud… Ne détournez pas la conversation… Acceptez-vous de m’envoyer sur la ligne de front…
– Vous envoyer en première ligne ?… Et qu’y feriez-vous s’il vous plait ?
– La même chose que je fais ici… J’écrirais des articles…
– Avez-vous perdu la raison, mademoiselle ?… Vous tenez dans mon journal une chronique sur la bourgeoisie de la ville et ses petits secrets… Chronique anonyme, et heureusement pour vous, je vous le rappelle… Vous n’existez que sous la protection des simples initiales R.V. Et vous voudriez aller affronter la mort sur les champs de bataille. Croyez-vous que la guerre se fait en crinoline ?
– Monsieur Armengaud, considérez je vous prie la chose sous un tout autre angle. Pourquoi suis-je capable de vous adresser chaque semaine une chronique fort documentée et acide sur les travers de ceux qui comptent dans la ville ?
– Parce que vous êtes de ce monde et que vous y passez inaperçue… Même grimée comme à Carnaval, personne ne vous prendra pour un troufion…
– Monsieur, si je passe inaperçue, c’est surtout parce que je ne me fais pas remarquer. Je suis là mais personne ne me voit… Parce que je ris aux horreurs que j’entends, parce que je pleure avec une sincérité feinte même lorsque je n’ai aucune tristesse. Je me fonds dans le paysage… Comme Nelly Bly du New York World…
– Ah, s’il vous plait, ne recommencez pas avec votre héroïne américaine…
– Si elle a été capable de se faire interner dans un asile pour rendre compte ensuite à ses lecteurs, je peux bien réussir à me fondre dans l’entourage, non des soldats, mais de l’Etat-major…
– Si votre Nelly je ne sais quoi a été capable de se faire interner dans un asile et qu’elle en est sortie, cela montre avant tout l’incompétence des médecins américains…
J’avais une dernière carte à jeter.
– Qui enverrez-vous alors ?
– Si la guerre se déclenche, ce que je ne crois pas contrairement à vous, j’enverrai Parmentier… ou bien Cazes…
– Impossible, monsieur… Ils seront mobilisés avant que vous n’ayez pu les contacter… Croyez-moi, en choisissant d’envoyer une femme, vous prendriez un avantage décisif sur vos rivaux. La Dépêche a un fil direct avec Paris mais auront-ils quelqu’un capable de se glisser dans les réceptions à l’Etat-major ?… J’en doute.
La perspective de damer le pion à La Dépêche c’était tendre à Raymond Armengaud, directeur de La Garonne illustrée, une pomme dans laquelle il ne refuserait pas de mordre. Il poussa un long soupir rauque, tira une bouffée de sa pipe grise et prononça les mots que j’attendais.
– Ne comptez pas quand même que je vous signe un contrat…

Le mou du jeudi 18 heures – Une enquête de l’inspecteur Collenduo

Le ministre : Là si je mets un conditionnel, ce sera mieux… Cela fera plus incertain et…
L’inspecteur : Pardon de vous déranger, m’sieur…
Le ministre : Oui. Qu’est-ce que c’est ?… Ah, c’est vous qui venez récupérer les chaises basses de l’émission d’hier ?
L’inspecteur : Euh non, m’sieur…
Le ministre : Eh bien heureusement pour vous… Je vous aurais engueulé. Qu’est-ce qu’on est mal sur ces chaises ! Je ne sais pas quel est le con qui a négocié pour le mobilier avec Joué Club… Alors vous voulez quoi ?L’inspecteur : Je suis chargé d’une enquête, m’sieur…
Le ministre : Une enquête ?!… Sur quoi ?!… Sur qui ?… Sur moi ?
L’inspecteur : Ah non, m’sieur… On ne m’autorise plus à enquêter sur des gens importants depuis que j’ai voulu mettre trois ministres en taule.
Le ministre : Ah, eh bien tant mieux… Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
L’inspecteur : Vous n’avez pas de travail ?
Le ministre : Rien d’urgent. C’est un texte pour parler à la télé jeudi à 18 heures.
L’inspecteur : Et vous allez dire quoi, m’sieur. Parce que ma femme…
Le ministre : Quoi votre femme ?!
L’inspecteur : Eh bien elle voudrait savoir si on pourra aller passer un petit week-end en Normandie pour nos 20 ans de mariage…
Le ministre : En Normandie ? Mais quand ça ?! En 2023 ?
L’inspecteur : Ben non, m’sieur… Le prochain week-end.
Le ministre : Ah ça je ne sais pas… Il faudra que vous attendiez mes annonces de jeudi 18 heures…
L’inspecteur : Mais vous n’avez pas encore décidé ?
Le ministre : C’est fini de décider à l’avance. Dimanche j’ai dit « vaccinez-vous avec Astra-Machin ». Lundi, Manu a dit « stop le vaccin ! ».
L’inspecteur : Ah oui j’vois bien, m’sieur. Castex échaudé craint l’eau froide…
Le ministre : C’est ça…
L’inspecteur : Mais quand même, pour la Normandie, vous savez quelque chose ?
Le ministre : Je sais des choses mais rien ne dit que ces choses auront un effet.
L’inspecteur : Pardonnez-moi m’sieur mais je ne vous comprends pas très bien.
Le ministre : En Normandie, comme partout dans les territoires, des décisions peuvent intervenir ou peuvent ne pas intervenir selon plusieurs paramètres qui fluctuent.
L’inspecteur : Mais donc… C’est oui ou c’est non.
Le ministre : C’est peut-être on verra selon ce qu’on décidera de faire ou de ne pas faire en fonction des chiffres qu’on ne regardera pas en dehors de ceux que nos agences de communication nous auront donnés.
L’inspecteur : Les taux de contamination ?
Le ministre : Non, le sondage OPIF-BHV-France 5 sur la côte de confiance du gouvernement.
L’inspecteur : Je dirais donc à ma femme qu’on ne peut pas y aller.
Le ministre : Je n’ai pas dit ça…
L’inspecteur : Ah… Donc on peut y aller ?
Le ministre : Je n’ai pas dit ça.
L’inspecteur : Donc vous n’avez rien dit.
Le ministre : C’est ça… Comme d’habitude… Mais en ne disant rien j’ai quand même dit des trucs.
L’inspecteur : Lesquels ?
Le ministre : Ben rien.
L’inspecteur : Vous parlez pour ne rien dire ?
Le ministre : Non. Je ne dis rien pour parler.
L’inspecteur : Je ne comprends plus rien… Ça doit être la fatigue… On a tellement de plaintes au commissariat qu’on y passe notre vie…
Le ministre : Nous avons pourtant augmenté les effectifs de police…
L’inspecteur : Oui m’sieur… Mais dans les commissariats qui surveillent les ministères, les quartiers sensibles et les zones de magasins de luxe. Moi je viens d’un petit commissariat d’une banlieue tranquille qui ne peut même pas se payer un député médiatique.
Le ministre : Eh bien c’est un tort… Alors, qu’est-ce que je peux pour vous, mon brave ?
L’inspecteur : Oh c’est juste une enquête de routine. je vous ai déjà fait perdre beaucoup de votre temps, m’sieur…
Le ministre : Dîtes-moi…
L’inspecteur : C’est un collectif qui a déposé plainte pour…
Le ministre : Pour ?…
L’inspecteur : Oh j’ose pas…
Le ministre : Mais allez… Allez…
L’inspecteur : Pour foutage de gueule répété et manifeste…
Le ministre : Juste ça ?… Mais contre qui ?
L’inspecteur : Ben contre le gouvernement, m’sieur…
Le ministre : Contre le gouvernement ?… Mais c’est de la folie !
L’inspecteur : C’est ce que je pense aussi, m’sieur…
Le ministre : Ils n’ont aucune chance !
L’inspecteur : J’en suis convaincu…
Le ministre : Mais vous enquêtez quand même ?…
L’inspecteur : Faut bien, m’sieur… Si jamais je trouvais quelque chose pour vous innocenter…
Le ministre : C’est juste… Vous voulez que je réponde à vos questions ?
L’inspecteur : Ça ne vous dérange pas ?
Le ministre : Je n’ai que ça à faire… On m’a déjà trop vu cette semaine. Chez Samuel Etienne, sur BFMTV… Là, je suis en off médiatique jusqu’à jeudi 18 heures… Et comme je ne décide rien…
L’inspecteur : Très bien. Alors, que faisiez-vous le 12 juillet 2003 ?
Le ministre : Je fêtais les 5 ans de la victoire de la France en Coupe du monde…
L’inspecteur : Ah zut !
Le ministre : Quoi ?
L’inspecteur : Vous avez un alibi pour le meurtre du colonel Moutarde. C’est la seule enquête que je n’ai pas résolue depuis mes débuts. Ça m’agace.
Le ministre : Désolé. Je ne pouvais pas prévoir.
L’inspecteur : Et pour le déconfinement raté, vous avez un alibi ?
Le ministre : Je n’ai fait que mon devoir…
L’inspecteur : C’était votre devoir de laisser penser aux gens que tout était réglé ?
Le ministre : C’est ce qu’on m’a demandé de faire.
L’inspecteur : Qui ça, m’sieur ?
Le ministre : Ça ne vous regarde pas. Ce n’est pas votre enquête.
L’inspecteur : On ne sait jamais. Il y a parfois des p’tits détails… Alors qui, m’sieur ?
Le ministre : Roux de Combaluzier.
L’inspecteur : Qui ça ?…
Le ministre : L’autre là… Celui qui s’était confiné dans sa voiture entre Paris et sa résidence secondaire au bord de l’Atlantique… Le gars du MEDEF…
L’inspecteur : Ah ! Roux de Bézieux…
Le ministre : Voilà c’est ça… Mou de Béziers…
L’inspecteur : Et c’est donc lui qui vous a dit de dire que tout allait bien se passer, que les gens pouvaient partir en vacances tranquillement et qu’on verrait pour la deuxième vague à la rentrée ?
Le ministre : Ben oui… Et même qu’il a dit que comme ça je serais Premier Ministre.
L’inspecteur : Il vous a promis que vous seriez premier ministre ?
Le ministre : Qu’est-ce que vous croyez ?… Il connait bien mon patron. A lui aussi il lui a permis d’avoir son poste en 2017.
L’inspecteur : Mais c’est du favoritisme… Un détournement de démocratie, m’sieur.
Le ministre : Ah non, c’est normal… On a toujours fait comme ça… Comment vous croyez qu’on se recase quand on n’est plus ministre ?… On va voir Clou de Mézieux et il nous trouve un boulot. Moi je sais déjà que je serai PDG d’un groupe lunettier en Suisse.
L’inspecteur : Mes félicitations, m’sieur… Moi je sais que je resterai à peu près au même échelon mais on me payera un imperméable neuf pour partir à la retraite.
Le ministre : Mais j’y pense… Vous ne voulez pas devenir ministre ?
L’inspecteur : Ministre ?
Le ministre : Oui… Nous avons un collaborateur que vous devez connaître qui s’est fait pincer pour une histoire de fesses à l’époque où on pouvait encore rigoler dans des établissements un peu particuliers. On voudrait le réorienter et prendre quelqu’un d’autre.
L’inspecteur : Vous me voudriez à moi ?
Le ministre : Eh oui ! Pourquoi pas vous ?… Au moins vous seriez de la boutique… On a déjà une universitaire aux universités, un ancien recteur à l’Education Nationale, un avocat à la Justice. Manque plus qu’un flic à l’Intérieur…
L’inspecteur : Je ne sais pas… Faut que je vois avec mon commissaire…
Le ministre : Ta ta ta ta… Votre commissaire, dans une semaine, vous le sifflerez et il rappliquera ventre à terre. C’est comme ça que ça se passe ici…
L’inspecteur : Je ne sais pas…
Le ministre : Et alors là, le week-end en Normandie… Pffff… Vous partez cinq jours si vous voulez avec chauffeur, hôtel grand luxe, jacuzzi Emile Zola et restaurant clandestin à volonté. Je vous donnerai une adresse que je tiens d’un journaliste de BFMTV. Là-bas ils ne mangent que dans ce genre d’endroit.
L’inspecteur : Je peux réfléchir un petit peu ?
Le ministre : Oui mais pas trop… Il y a déjà Julie Lescaut sur le coup. C’est une conne qui raconte n’importe quoi et voit des complot partout. Elle sera parfaite… Et puis si vous acceptez, on enterrera cette enquête…
L’inspecteur : Ah ben oui… Evidemment…
Le ministre : Evidemment.
L’inspecteur : Mais quand même, juste une dernière question… Cette pandémie, vous ne voulez vraiment pas faire quelque chose contre elle ?
Le ministre : Pourquoi vous dites ça ?
L’inspecteur : Ben vous trainez, vous prenez des décisions quand c’est trop tard, vous traitez les gens comme des débiles…
Le ministre : Ah, ça se voit ?… Les entreprises que nous payons cher pour nous conseiller nous disent que les Français n’ont rien remarqué…
L’inspecteur : Je crois que si, m’sieur… Même que ça les énerve de plus en plus…
Le ministre : Ah mais qu’est-ce qu’ils croient ? Que c’est facile peut-être ?… Attendez, ça fait 35 ans que je suis un libéral en économie. L’Etat doit en faire le moins possible et…
L’inspecteur : Et ?…
Le ministre : Et cette pandémie, elle ne veut rien comprendre. Moins on en fait et plus elle reste. Alors que dans un bon schéma économique libéral, moins l’Etat en fait et mieux ça va…
L’inspecteur : C’est p’t’être le schéma qui est pas bon, m’sieur.
Le ministre : Ah mais c’est impossible ça. On fait tout bien. On ferme des lits… J’ai d’ailleurs jamais compris cette histoire de fermeture de lits… Ils font dormir les malades sur des clics-clacs à l’hosto ?… Oui donc, on ferme des lits, des classes, des facs et…
L’inspecteur : Et ?…
Le ministre : Et rien… Ça ne change rien… A part que les gens gueulent et ils mettent des gilets jaunes et ils s’abonnent à Valeurs Aufactuels et à Médiapart pour nous couler le JDD et Arnaud Lagardère. C’est pas compréhensible…
L’inspecteur : Les Français sont des ingrats…
Le ministre : C’est ça ! Ce sont des ingrats… On leur donne ça, ils voudraient ça… Est-ce qu’on a déjà vu des gens gagner plus en ne foutant rien à part au CAC 40 ?
L’inspecteur : Ah ben non, m’sieur…
Le ministre : Je savais que vous feriez un bon ministre de l’Intérieur. Vous avez déjà bien jugé la situation du pays…
L’inspecteur : Justement, m’sieur… Comme j’ai bien jugé la situation du pays, je vais vous demander de me suivre.
Le ministre : Vous suivre ? Où ça ?…
L’inspecteur : Ben, au poste, m’sieur… Où on va vous interroger rapport à la plainte dont je vous parlais tout à l’heure.
Le ministre : Mais je suis innocent !
L’inspecteur : Justement, m’sieur… C’est ça qui est pas normal. Qu’on ait placé un tel innocent à votre poste…

Fin des fake-news rue de Grenelle ? Faisons le point calmement

Le ministre : Bonjour, je vous ai demandé de venir en urgence parce que ça ne peut plus durer.
Le conseiller 2 : Ah ?!
Le conseiller 7 : Oh ?!
Le conseiller 9 : Hein ?!
Le conseiller 6 : Quoi ?!
La conseillère 5 : De quoi parlez-vous ?
Le ministre : Parfait. Tout le monde est là.
Le ministre : L’autre matin, j’étais sur France Inter. Tout se passe comme d’habitude. Léa me pose des questions auxquelles je réponds ce que j’ai à dire. Personne ne pipe mot sur mes réponses. Tout se fait en parfaite confiance. Et puis…
Le conseiller 2 : Et puis ?
Le conseiller 7 : Oui… Et puis ?
Le ministre : Après, il y a eu un article sur internet où ils ont vérifié ce que j’avais dit…
Le conseiller 6 : Nooon ?!…
Le conseiller 7 : Mais c’est pas du jeu…
Le ministre : C’est ce que je pense aussi.
Le conseiller 2 : La déontologie journalistique c’est plus ce que c’était.
Le ministre : Je crois surtout que France Inter commence à être comme l’université investie par les islamo-gauchistes.
Le conseiller 6 : C’est grave.
Le conseiller 7 : Vous voulez qu’on fasse une liste ?
La conseillère 5 : Une liste ?
Le conseiller 7 : Ben oui, une liste… Les 200 journalistes et techniciens islamo-gauchistes de l’audiovisuel public. On la file aux auteurs de quelques blogs et on laisse le temps faire son oeuvre. Dans deux mois, ils sont tricards.
Le ministre : Pas la peine qu’on s’occupe de ça. D’autres le feront à notre place… Non, ce que je veux ce sont des arguments qui ne puissent être incontestés par ces fouille-merde.
Le conseiller 2 : Des chiffres ?
Le ministre : Oui, des chiffres mais pas que…
Le conseiller 2 : Vous savez que j’en ai plein à votre disposition… Par exemple, 7_,2 des élèves de…
Le ministre : Non. Pas vos chiffres à vous… Il faut que les données viennent de notre service statistique du ministère.
Le conseiller 2 : Mais…
Le ministre : Quoi mais ?!…
Le conseiller 2 : Mais c’est pareil puisque le service des statistiques du ministère donne les chiffres que je leur donne.
Le ministre : Peut-être… Mais là il ne faut plus que ça se voit. Fini les 78,2 %… Ils vont vérifier, ces blaireaux…
Le conseiller 7 : Mais alors on fait quoi ?…
Le ministre : On se creuse la tête pour trouver des trucs inattaquables.
La conseillère 5 : Vous voulez dire qu’on va supprimer vos réformes ?
Le ministre : Non mais elle est conne, elle ! Elle a la veine qu’on soit le 9 mars.
Le conseiller 9 : Pourquoi ?
Le conseiller 6 : A cause de la journée de la femme toussa toussa…
La conseillère 5 : Vous savez, vous pouvez dire ce que vous voulez. Je suis comme certains joueurs de l’OM. Je prends le salaire et j’en fais le minimum…
Le ministre : Ce que je veux dire c’est que je veux une liste de faits que personne ne pourra pas critiquer. Des trucs vrais, solides, sûrs… Bon sang ! Elles doivent bien avoir quelques effets positifs mes réformes quand même…
La conseillère 5 : C’est aussi ce que disaient les gens qui ont fabriqué la bombe atomique. Ok ça détruit tout, ça fait crever les gens mais c’est un bel exploit scientifique.
Le ministre : Mais elle répond en plus… Ah mais ?! Elle me rappelle… Comment elle s’appelait ?
Le conseiller 2 : Blandine…
Le ministre : Oui c’est ça. Elle est restée tellement peu longtemps qu’elle n’a même pas eu le temps d’avoir un numéro.
Le conseiller 6 : Vas-y mollo… Faut qu’on bosse… Tu vois pas qu’il est vert notre ministre ?
La conseillère 5 : Ça c’est depuis qu’il s’est mis en tête d’entrer à l’Académie française.
Le ministre : Bon, elle se tait maintenant la numéro 5 ! Je veux des idées. J’ai besoin d’idées. Du neuf et du bétonné.
Le conseiller 9 : Vous avez essayé chez Vinci ?
Le ministre : Je veux des idées !!!
Le conseiller 9 : Allez faire du beach-volley sur un mur d’escalade…
Le ministre : Non… Ça ce sont vos idées d’ancien du Ministère des sports. On a vu où ça m’a mené cet été. Tout le monde me le reproche et je me suis claqué un orteil.
Le conseiller 2 : On pourrait dire que 64,3 % des Français sont satisfaits de votre…
Le ministre : Non ! J’ai dit « pas de chiffres comme ça » !
Le conseiller 2 : Mais j’ai lissé. J’ai pas dit 78,2 mais 64,3 pour que ce soit plus crédible.
Le ministre : Ecoutez, je vais vous donner un exemple. Ce matin, j’ai dit que grâce à ma politique les CP qui ne réussissaient pas les tests en début d’année y parviennent maintenant…
Le conseiller 6 : Ben c’est super… Voilà… En fait, vous n’avez pas besoin de nous.
Le conseiller 7 : Je ne suis pas sûr que ce soit très malin de le lui faire remarquer…
La conseillère 5 : Mais… Mais… C’est très con… C’est normal que des CP ne sachent pas faire des trucs en début d’année et réussissent après. C’est comme ça tous les ans…
Le ministre : Ah non. Cette année, ils avaient des difficultés à cause de la fermeture des écoles pendant le confinement du printemps 2020.
La conseillère 5 : Quelle genre de difficultés ? Ils maîtrisaient mal l’imparfait du subjonctif ?
Le ministre : C’est terrible… Plus je l’écoute, plus j’ai l’impression de l’entendre l’autre… vous savez, Cassandre…
Le conseiller 2 : C’est pas Cassandre, c’est Charlotte…
Le ministre : Oui c’est pareil… N’empêche que mon idée, elle marche. C’est scientifique.
Le conseiller 7 : Je suis d’accord. Ils ne savaient pas faire, maintenant ils savent. Bravo aux profs.
Le ministre : Mais non ! Bravo à moi et à ma politique ! Les profs, ils n’ont pensé depuis la rentrée qu’à fermer les écoles. Si les gamins ont progressé, c’est grâce à moi.
Le conseiller 6 : Parce que vous avez lutté pour maintenir les écoles ouvertes.
Le ministre : Voilà… Vous voyez, c’est imbattable… C’est des comme ça que je veux… Alors ?
Le conseiller 2 : Je sais que vous ne voulez pas de chiffres mais…
Le ministre : Mais ?!…
Le conseiller 2 : Vous pourriez affirmer que 100 % des élèves qui passent dans la classe supérieure ne redoublent pas.
Le ministre : Ça va se voir…
Le conseiller 2 : Ok… Alors 99,5 %…
Le ministre : Ecoutez on a 95 % de reçus au bac, on va éviter ce genre de pourcentages.
Le conseiller 7 : On pourrait parler des effets de votre politique en matière de sports. Vous avez lancé les 30 minutes de sport par jour, vous avez investi dans les équipements…
Le ministre : J’ai investi dans les équipements sportifs ?…
Le conseiller 7 : Non mais certains peuvent le croire… ET vous aurez remarqué que depuis que vous êtes là la France est championne du monde de foot et la France a des chances de faire le Grand Chelem…
Le conseiller 9 : Et on a une française championne du monde en bosses…
Le ministre : En quoi ?
Le conseiller 9 : En bosses…
Le ministre : Mais c’est qui ? Une syndicaliste du SNES qui s’est frottée d’un peu trop près aux CRS ?
Le conseiller 9 : Je ne sais pas… Je crois que c’est la fille de l’éditeur Robert Laffont. Ça doit être une intello.
Le ministre : Non, ça ne marchera pas votre truc. Il faut des trucs que les gens ne contesteront pas. Comme les islamo-gauchistes. Ça va dans le sens de ce qu’ils pensent, donc ils y croient encore plus.
Le conseiller 6 : On peut parler des écoles ouvertes…
Le ministre : C’est-à-dire ?
Le conseiller 6 : En gardant les écoles ouvertes, vous avez augmenté le nombre d’heures de cours pour les élèves par rapport à l’année dernière.
Le conseiller 7 : Ah ça c’est une réalité. C’est inattaquable.
Le ministre : Vendu !
Le conseiller 9 : Et si on va par-là, en permettant l’enseignement hybride, vous avez fait baisser le nombre d’élèves en classe. Et ça fait des années que les profs demandent des effectifs plus réduits. Ils ne pourront rien vous répondre.
La conseillère 5 : Si… Que les élèves qui sont à distance sont sacrifiés…
Le conseiller 6 : Ça va… Au lieu d’être devant Netflix ils sont devant madame Lopez, la prof de tricotage en anglais, c’est pas la mort non plus…
Le conseiller 7 : Mais ils ne sont pas sacrifiés ceux qui restent chez eux… Ils sont protégés…
Le conseiller 2 : Protégés ? Comment ça ?…
Le conseiller 7 : Ben ils ne sont pas dans les écoles qui sont des foyers de vir… Euh non, j’ai rien dit…
Le ministre : Il y a quand même quelque chose à creuser. Les élèves qui restent chez eux… sont…
Le conseiller 6 : Plus aptes à acquérir la nécessaire autonomie dont ils auront besoin dans leur future vie professionnelle.
Le ministre : Je prends…
Le conseiller 2 : Et on pourrait dire que 54,9 % des…
Le ministre : Non !!!
Le conseiller 9 : Mais si… 54,9 % des élèves ont progressé en digital…
La conseillère 5 : C’est du numérique, pas du digital…
Le conseiller 9 : C’est pareil…
La conseillère 5 : Tu verras si on te met un doigt au lieu d’un bit si c’est pareil…
Le ministre : Ah, pas de vulgarité !…
Le conseiller 2 : Voilà !… J’ai un chiffre… Et là c’est incontestable. Votre gestion de la crise a fait baisser le nombre d’insultes en classe.
Le ministre : Comment ça ?
Le conseiller 2 : Le masque en étouffe une partie.
Le conseiller 7 : Oui… Et puis, il y a beaucoup moins de crachats sur les profs…
Le conseiller 9 : Et moins de grimaces déplacées…
Le conseiller 6 : Voilà ! Recul des incivilités. Imparable !
Le ministre : Donc, si on résume. progrès des apprentissages. recul des incivilités, meilleur maîtrise de l’informatique, progrès de l’autonomie, plus grand nombre d’heures de cours… C’est pas mal…
Le conseiller 7 : Et c’est inattaquable…
Le ministre : Madeleine !!!
Madeleine : Monsieur le ministre ?!
Le ministre : Appelez Bourdin sur BFMTV. Je veux passer dans son émission demain…
Madeleine : Oui, monsieur… Vous voulez les questions comme d’habitude ?…
Le ministre : Même pas… Là je vais me le faire… Je suis reboosté…
Le conseiller 6 : En fait, le virus, c’est votre meilleure réforme…

Jean-Michel, mon grand chou déplumé

Jean-Michel, mon grand chou déplumé, j’ai pris l’initiative de t’écrire cette lettre de rupture tandis que je me courbais en deux ce matin en proie à de violentes douleurs abdominales. Voilà à quoi tu me réduis avec ta gestion à la mords-moi le nœud. A une sorte de test grandeur nature pour une évolution de la formule du Destop labellisé Education Nationale. Encore heureux que je ne t’aie pas entendu en même temps soliloquer au micro de France-Inter, la radio qui ne pose jamais de questions dérangeantes, sans quoi je serais aussitôt passé à la ciguë ou à une double dose de cette mort-aux-rats qu’Anne Hidalgo, disent les mauvaises langues, a oublié de commander pour Paris depuis des années.
Tu vois, Jean-Michel… Mon grand mou déplumé… Je n’en peux plus, je me sens arrivé gare Montparnasse devant le butoir de la voie 3 sans avoir la possibilité d’inverser les moteurs pour faire repartir la rame dans l’autre sens. Même si c’est à petite vitesse, le choc avec la réalité de ce que je suis devenu va froisser de la tôle à défaut de froisser ta dignité qui est bien au-dessus de ça. Parfois je me demande de quel métal tu es fait pour que les émotions et le sens commun coulent ainsi sur toi sans ouvrir la moindre brèche, sans que vienne se matérialiser la moindre rigole sur ce visage rêche et froid (ne parlons pas de larmes ce sera présomptueux et déplacé). Il y en a que le mensonge n’étouffe pas et tu es de ceux-là. Consciemment. Viscéralement. Je crois même que tu es une sorte de sommelier de la chose, que tu tastes en bouche chacune des énormités que tu vas proférer en leur trouvant un petit goût de ceci ou un parfum de cela. Œnologue analogue à ceux qui parlent de « cuisse » ou de « robe », tu fais ta lie comme tu te couches devant ceux que tu sers sans vergogne.
Mais pourquoi aviez-vous ainsi mal au ventre me demanderais-tu si tu t’abaissais à questionner parfois ceux qui, servant l’Etat, sont obligés de te servir aussi tandis que tu te sers bien d’eux ? Eh bien, c’est en grande partie à cause de toi… Désormais à chaque fois que je me retrouve face à des doutes importants sur la suite de mon travail, ça m’irrite tout le système digestif. Autant dire que c’est la fête depuis plusieurs mois, une fête qui vient sublimer les mois passés en burn out au début de 2020. C’est dingue quand j’y réfléchis : avant que tu arrives à la tête du ministère, je n’étais arrêté que pour des problèmes de dos (à trop corriger) et des cochonneries microbiennes comme on en attrape tous dans ces grands nids à contamination que sont les établissements scolaires (ah, pardon, tu penses le contraire du haut de ton inexpérience dogmatique). Depuis que tu es là, c’est le cerveau et le ventre qui trinquent. Alors, bien sûr, ma grande honnêteté intellectuelle, celle que les gens qui me connaissent connaissent et celles que les autres n’imagineront jamais trop occupés qu’ils sont à se demander pourquoi je les évite, cette honnêteté donc m’oblige à reconnaître que tu n’es ni un pangolin, ni une chauve-souris, ni un tube à essai mal bouché quelque part en Chine. Tu n’es pas responsable de la pandémie c’est sûr mais quand même, un observateur un peu curieux et éveillé aurait fait bien mieux que toi. Tout le monde n’en peut plus ; les semaines s’allongent comme des semaines et ça continue encore et encore… C’est que le début ? D’accord, d’accord… (Francis, si tu me lis). Nous nous préparons à un nième changement d’organisation dans mon lycée et je commence à ne plus pouvoir faire face. Pourtant je ne suis pas de ceux qui ont pensé que l’hybride serait fantastique (des toyotistes sans doute). Dès le début, j’ai dit que ça ne tiendrait pas la distance, que les élèves satureraient et que leurs profs déprimeraient. En petit malin contrarié que je suis, je n’ai pas voulu me rendre compte que ma façon de bosser, en essayant de maintenir le lien et le travail grâce à des « projets », allait générer un travail supplémentaire… Et encore moins que ce travail serait à réinventer à chaque fois que les avancées ou les reculs de la contamination changeraient les règles au lycée. Fatigue… Insomnies… Mémoire qui fout le camp…
Mon Jean-Michel, mon grand fou déplumé, je te vois te dresser sur tes ergots de coq incandescent. Ce n’est pas de ta faute, ce n’est pas toi qui décides ce qu’il advient dans tel ou tel lycée, dans telle ou telle école. Et bla bla bla, Léa… Et bla bla bla Apolline… Ben si justement mon gros loup, c’est toi le ministre et autant tu te montres impérieux, impératif et un père fouettard quand il faut appliquer tes réformes délirantes, autant tu es dans le laxisme le plus total quand il s’agit de gérer quelque chose qui ne t’inspire pas. Ce n’était pourtant pas bien sorcier dans une de tes nombreuses interventions médiatiques d’annoncer (oui, je ne crois plus à tes mails… J’attends toujours celui annonçant la suppression des épreuves de mars 2021) qu’on ferait partout pareil. Imagine-t-on face à un ouragan un ministre laisser aux chefs d’établissement le soin de choisir s’ils vont quand même faire venir les élèves, les enfermer tous dans le gymnase ou sélectionner ceux qui auront le droit de connaître le grand frisson de vents à 240 km au self ? Tu es, mais cela semble être un trait commun dans la caste à laquelle tu appartiens, fort avec les faibles et trouillard face à ceux qui te résistent… Raison pour laquelle tu prends grand soin de ne te frotter qu’à ceux qui te doivent tout et à fuir comme la peste ceux qui pourraient égratigner ton costume trois pièces et ton paddle de compétition.
En fait, mon Jean-Michel, mon grand tout déplumé, tu aurais pu nous éviter bien des spasmes, des douleurs et des questions si tu n’avais pas passé ton été à faire tout autre chose que ce qu’il était essentiel de faire. On n’en serait pas aujourd’hui à avoir des Terminales qui ne peuvent pas suivre le cours de philo parce que les profs d’EPS font du step dans la cour avec la musique à fond. On ne serait pas obligé de résister aux demandes des élèves qui voudraient sortir cinq minutes plus tôt pour pouvoir manger à 11h55 et ne pas devoir attendre 13h15 pour passer au self. On n’en serait pas à chercher comment caser la présentation de travaux commencés en classe dédoublées, terminés avec le retour en classe entière et impossible à présenter avec le retour à l’hybride. On ne serait pas contraint de négocier une date pour placer une simple interrogation de connaissances au milieu de toutes les évaluations réclamées par ton dernier protocolo-vadémécumo-oukaze. On ne serait pas… On ne serait pas… Mais toi tu t’en foutais : tu faisais du beach-volley comme sur la plage à Rio, tu faisais de l’escalade comme sur le Pain de Sucre, tu faisais du paddle sur une planche qui prenait l’eau et qu’écopa Cabana.
Mon Jean-Michel, mon grand trou déplumé, mon grand vide interstellaire, mon trou noir dévoreur d’énergie, je ne vais plus résister très longtemps et continuer à pâlir sous ta lumière sombre. Si lundi prochain, mon toubib me dit à nouveau « stop », je dirai « stop ». Et sans aucun état d’âme. J’ai donné à mes élèves pendant plus de 30 ans, j’y ai laissé mon allure sportive, ma naïveté juvénile et l’amour de la femme de ma vie. Au moment où mes petits enfants viennent éclore au milieu du champ de ruines que tu prépares à leur future éducation, j’ai le regret de te dire que tu ne peux pas être ma priorité. Me donner à fond, et au-delà, pour mes élèves c’est te faire profiter, TOI, de mon travail. C’est résoudre les questions que TU refuses d’aborder. C’est porter à TON crédit le fait que tout continue normalement (ou à peu près) en dépit de tout le stress que tu as semé sur nos vies. On est pris dans cet engrenage fatal qui repose entièrement sur notre conscience dite professionnelle mais que je qualifierais plutôt d’humaniste. L’humanisme, quel beau projet pourtant… Ce n’est pas toi qui, ce matin, te réclamais des Lumières ? Comment de tels phares pourraient-ils éclairer tes sombres desseins sans fléchir ? La batterie des miens est usée. Peu à peu, ils déclinent et je me sens happé vers autre chose… Il est des univers, mon Jean-Michel, mon grand plouc déplumé, où tu ne devrais pas te risquer à pénétrer sous peine de graves déconvenues. Pour notre santé mentale ou pour l’intégrité de ton long nez de serial menteur.