Vendredi 26 juillet 2024

L’orage estival n’était passé que comme une trainée de poudre ; il n’avait tout bonnement aucune chance de venir perturber le bon ordonnancement d’une soirée que tout le monde pressentait comme celle d’une renaissance planétaire. Ce vendredi 26 juillet 2024, au nord de Paris, dans un Stade de France rebaptisé Stade olympique Michel Hidalgo un mois plus tôt, la France avait donné rendez-vous au monde pour une grande cérémonie de retrouvailles fraternelles. Continuer la lecture de Vendredi 26 juillet 2024

Est-on un génie si on trouve toujours une solution aux problèmes les plus insolubles ? Faisons le point calmement.

Le ministre : Eh bien, n’avais-je pas raison ?
Le conseiller 1 : Evidemment que vous aviez raison, monsieur le ministre. Vous avez toujours raison. C’est bien pour cela que vous êtes le meilleur ministre de l’Education Nationale de tous les modes et de tous les temps.
Le ministre : Je ne vous ai pas demandé de flagorneries mais un constat honnête sur la persistance de mon génie et de mes intuitions. Continuer la lecture de Est-on un génie si on trouve toujours une solution aux problèmes les plus insolubles ? Faisons le point calmement.

Tribune : Des élèves dénoncent le projet pas sympa de JM Blanquer.

Nous, élèves du primaire, du secondaire au collège, du secondaire au lycée général, du secondaire au lycée technologique, du secondaire au lycée professionnel, sommes des témoins privilégiés et pas trop bien informés de la situation actuelle de l’école vu qu’on nous prend toujours pour des cons immatures. Aller en cours, écouter sans trop bouger sa table et rigoler avec son/sa voisin.e, poser des questions quand on comprend pas, ne pas poser des questions parce qu’on a peur de se faire engueuler, bouffer plus ou moins bien à la cantine, avoir ou pas du rab de frites, apprendre nos leçons, faire des exercices, trouver parfois les solutions, pleurer quand on n’y arrive pas, mettre une claque à sa petite sœur quand elle vient nous faire chier avec son problème de math : tel est, depuis tant de temps pour les uns, moins longtemps pour d’autres, notre métier. Nous ne nous sentons pas artisans, et avons toujours été du côté des réformes quand celles-ci allaient dans le sens de rentrer plus tôt le soir à la maison. L’esprit de chapelle nous est étranger (surtout pour les non-catholiques) et l’idée d’appartenir à un quelconque parti ou organisation qui nous aurait obligés à nous taire en cas de désaccord ne nous a jamais effleuré (pas compris ce que ça voulait dire mais on le laisse quand même). Du reste, certains d’entre nous aiment Christine & the Queens et d’autres pas du tout mais notre fayoté aux valeurs de l’École n’est d’aucun bord, elle est quotidienne. Et nous nous efforçons, au jour le jour parce qu’on peut pas faire autrement, de nous défendre et de vivre de notre mieux en nous disant qu’un jour on finira bien par faire ce qu’on veut.

Or aujourd’hui, nous ne pouvons plus nous taire. Et c’est d’autant plus facile qu’avec le Covid 19, on n’est plus tous dans une classe, obligés de la fermer sinon on prend deux heures de colle. On ne comprend rien à ce que dit le ministre, même les bons élèves ce qui veut dire que soit c’est trop compliqué, soit ça veut rien dire, soit il nous prend pour des cons, soit c’est les trois en même temps. Nous considérons donc que ce serait une faute éthique et irresponsable de se taire. Qu’observons-nous bien plus précisément que Gilles Boulleau, Laurent Delahousse ou Yves Calvi qui posent des questions au ministre sans être allés à l’Ecole depuis un moment, à supposer que certains y soient allés un jour.

Nous voyons tout d’abord un immense tas de choses qui sont même pas vraies dans leur fausseté inexacte.

En prétendant construire une école de la Confiance, le ministre a fait qu’on a perdu confiance en nous. On a toujours peur de tout et de tout le monde. Et, en plus, on n’a pas droit de le dire parce que dans les conseils de classe, à part demander si on peut allumer la lumière pour y voir mieux, on ne peut rien dire sur la nourriture qui est pas bonne ou les cours de la prof de maths auxquels on comprend que dalle. Tout ça c’est du management autoritaire, fondé sur l’imitation des trucs de Super Nanny ou de l’autre grand con de Grand frère. Si tu dis un truc un truc qui va pas, tu te prends une remarque façon Cristina Cordula dans ta face. Alors, on ne sait pas si c’est pareil pour les adultes mais faut obéir de manière aveugle et tout le monde n’est pas Gilbert Montagné pour réussir ça.

Les élèves que nous sommes voient se déployer sans retenues (pourquoi le ministre il n’a jamais d’heures de colle, lui ?), un double discours permanent. Un jour, il dit blanc, un jour il dit noir et nous on est les gris parce qu’on comprend pas bien ce qu’on doit faire ou penser. C’est de la « duplicité chronique » (nota : c’est Charlotte qui a voulu qu’on mette les guillemets parce qu’il faut toujours citer entre guillemets qu’elle a dit). Nous, élèves du primaire, on nous a dit que ça allait être super, qu’il y aurait 12 élèves seulement en CP et qu’on serait bien meilleurs grâce à ça. Mais après on est tellement dans les classes que parfois, il faut empiler les tables les unes sur les autres pour faire rentrer tout le monde. Alors, on ne sait pas ce que le ministre il a comme ressenti sur ça mais nous, c’est vraiment chiant de se prendre les stylos du voisin du dessus sur la figure quand il est trop nul pour réussir à les faire tourner sur sa main. Si le ministre il avait des chiffres montrant l’efficacité de cet élevage en batterie, autres que ceux qu’invente son conseiller 2, ça serait bien qu’il les montre plutôt que d’aller faire des sourires crispés à Jean-Jacques Bourdin et des sourires complices à Léa Salamé.  Nos camarades des lycées professionnels, qu’on a un peu trop tendance à prendre pour des cons, ont bien compris que l’Excellence en voie professionnelle, ça veut dire tu apprends le moins de trucs possibles qui te permettront de penser comme un adulte et, au contraire, à toujours être plus efficace façon robot pour que les entreprises elles t’utilisent au maximum tant que t’es jeune et puissent te jeter quand tu commences à fatiguer. En voie générale des lycées, la réforme du Bac c’est un bordel sans nom ; si tu ne sais pas tout et tout faire d’avance, t’as aucune chance de réussir les E3C de janvier… et ce sera pire pour les spécialités parce que faudrait que tu aies tout wikipedia dans la tête. Tout ça, ça montre que plus ta famille elle est riche, plus tu as de chances de t’en sortir. C’est pas nouveau mais ça s’arrange pas.

Nos profs, ils sont tout tristes

Depuis trois ans, plus pour certains, nos enseignants ne sont plus aussi heureux qu’avant de venir travailler avec nous. Oh ils nous aiment toujours beaucoup (sauf, madame Gronié et monsieur Senpitié au lycée Maxime Grouchard de Grigny qui sont des peaux de vache / motion proposée par Kevin et adoptée à la majorité simple) mais ils sont tout tristes parce qu’on ne les laisse plus travailler comme ils veulent ; leur liberté pédagogique est mise à mal alors que justement ils ne pensent pas à mal quand ils inventent des trucs nouveaux pour qu’on soit heureux de bosser. Parfois, même s’ils ne peuvent pas le dire parce qu’il y a un soi-disant article 1 qui les empêchent de parler, ils nous disent qu’on leur demande de faire des trucs débiles, qu’on les surveille comme les laids sur le feu, qu’ils doivent faire tout, son contraire et même parfois les deux en même temps tout en gardant le sourire. En fait, le ministre, il se conduit avec eux comme les plus méchants des profs se conduisent avec nous. On trouve que c’est pas du tout sympa parce que ce sont justement les meilleurs profs, ceux qui savent nous intéresser qui souffrent le plus et qui burnoutent en grand nombre. Il paraît même que c’est pareil pour les inspecteurs et les inspectrices, ces messieurs-dames toujours bien habillés qui viennent faire flipper nos profs une fois de temps en temps et les amènent faire un parcours dans la carrière (alors, que franchement, ce serait plus agréable le long d’une rivière d’aller se promener après l’inspection). Tout ça, à ce qu’on a compris, parce que le Ministre il veut pas qu’il y ait une autre tête qui dépasse que la sienne et qu’il veut des résultats qui aillent dans son sens pour dire qu’il a raison, que c’est lui le plus grand, le plus fort et le plus beau (là, on n’est pas tous d’accord, il y a deux sixièmes qui n’ont pas la télé et qui le trouvent beau quand même).

Ce que nous ont dit nos camarades Charlotte et Kevin qui représentent les CVL auprès du ministère, c’est qu’autour du ministre, c’est plein de technocrates plus soucieux de leur intérêt de carrière à court terme (ils cirent les pompes du ministre du matin au soir) que de la qualité du service rendu car ils sont méprisants, hautains, débiles, neuneus, sans expérience, carriéristes, anciens bons élèves, bourrés de fric, experts en rien mais savants en tout, surtout des mecs et ils n’ont même pas d’enfants. Des cons quoi !

Scientisme (on cherche encore la définition…)

Alors, à ce qu’il parait, selon nos camarades qui arrivent à comprendre les cours de SVT, le Ministre il dit que « Tout se joue dans le cerveau ». Alors, on n’est pas cons, on le savait déjà. Mais, du coup, pour muscler nos cerveaux, il y aurait une « invasion des soft skills issues de l’idéologie néolibérale, reprenant les théories béhavioristes les plus éculées » (on vous laisse comprendre par vous-même). En gros, ce qu’on voit, c’est qu’on nous met devant des ordinateurs et que c’est eux qui déterminent si on est intelligent, cons ou très très cons. Et si tu échoues, on te dit que c’est de ta faute parce que ton cerveau il a pas bien été configuré par ta famille et qu’à moins de faire un total reset, tu es bon seulement pour faire des fatal errors tout le temps. En gros, t’es dans ta merde, débrouille-toi pour t’en sortir et si tu le fais n’attends pas qu’on te félicite, c’est parce que ton cerveau il était juste bon. Le Ministre, il est jamais responsable de la réussite des élèves mais il se félicite de chacune de leurs réussites qui sont toujours les siennes.

Un projet qui avance comme un avion à réaction

Nous contemplons aussi, atterrés voire enterrés, des mesures qui ne font qu’augmenter les inégalités sociales. On a déjà dit que les enfants des familles les plus riches avaient plus de chances de réussir, même si le cerveau des enfants de la famille sont très mal foutus (on a des noms mais, en bons camarades, on caftera pas). On voit bien que ce qui est le plus important c’est pas d’apprendre mais de remplir les bons papiers au bon moment avec les bonnes décisions. Et ça, plus tu es dans une famille où le niveau social il est pas haut, plus c’est compliqué et plus tu ramènes la feuille en retard et avec des taches de graisse dessus que tu te fais engueuler par le professeur principal parce qu’il va se faire engueuler par l’administration du bahut. La preuve que c’est ça qui est vraiment important, c’est qu’on interrompt les cours pour distribuer ou relever des papiers, et jamais l’inverse. Aujourd’hui, faut avoir fait l’Ecole militaire pour pouvoir définir une stratégie et choisir les bonnes spécialités au bon moment et dans le bon établissement. Après, faut la jouer tactique pour être performant aux E3C ou pour éviter qu’on ne réussisse à les passer dans ton bahut. Tout ça va très vite, se fait à 800 à l’heure et quand tu atterris, tu te rends compte que tu n’es pas là où tu voulais aller et qu’il n’y a pas de correspondance pour aller ailleurs. Bref, t’es un élève aujourd’hui, t’es tout le temps stressé et anxieux et c’est pour ça que tu n’as que Candy Crush et Animal Crossing pour te calmer. Les profs ne sont plus là pour te former, ils sont là pour te déformer, te plier en quatre et t’expédier sous forme d’un fichier numérique dans un grand ordinateur qui décidera de ce que sera ta vie future. Même Michelin, l’ONISEP de la vraie vie, il peut plus t’aider à te repérer. Si tu peux pas te payer un Tom-Tom de qualité, tu es perdu dès la maternelle tellement ça va vite.

Éducation à la citoyenneté et laïcité dérouillées

Pour tout vous avouer, on a souvent du mal avec les cours d’EMC mais on ne comprend plus trop ce qui se passe là-dedans puisqu’on nous dit d’être des citoyens engagés, responsables, soucieux de leurs concitoyens, respectueux des lois et aimant leur prochain (mais pas de trop près à cause de la distanciation sociale ce qui est très difficile à l’arrivée du printemps)… mais quand on veut dire des trucs, on nous dit qu’on est nuls, crétins et qu’on comprend rien à rien alors qu’on ferait mieux de la fermer. On a l’impression que le Ministre il veut qu’on soit des bons citoyens qui ferment leurs gueules. C’est pas exactement ce qu’on apprend en classe. Alors c’est vrai qu’on a maintenant des drapeaux et les paroles de la Marseillaise dans nos salles mais on préfèrerait que les adultes, ils montrent l’exemple parce que là, c’est compliqué de savoir à quoi on doit ressembler plus tard. Aux personnes idéales de nos manuels d’EMC ou aux experts des chaînes d’informations en continu ? Il paraît qu’on doit respecter autrui mais comment tu veux respecter quelqu’un si personne ne te respecte « quand tu t’appelles Saïd ou Mohammed » comme le disait le grand poète gascon Francis Cabrel. Déjà, le Ministre, il faudrait qu’il nous respecte nous les élèves en évitant de faire peur à nos petits frères et petites sœurs quand il visite les maternelles… et qu’il nous respecte aussi quand il tente de faire croire qu’il y a des tableaux numériques dans toutes les salles de classe du pays.

 

Nous, élèves des villes, des campagnes et des trous perdus du Massif Central où y a même pas la 3G, ne pouvons nous résoudre à cette situation et prenons la responsabilité d’écrire ici pour, qu’au moins, nous puissions nous regarder en face et nous dire que nous avons prévenu du tournant dangereux qu’avait pris l’École (et sans panneau triangulaire indicatif placé à 150 mètres avant en campagne et 50 mètres en ville). Car au-delà de telle ou telle mesure, c’est bien la philosophie d’ensemble qui vient heurter nos quotidiens. Qu’on aime ou pas l’Ecole, nous avons besoin de croire en elle pour lui trouver un sens. Nous avons besoin de sentir qu’elle nous soutient tous et toutes de la même manière pour lui faire confiance. Le Ministre ne connait quasiment aucun de nous personnellement mais il agit comme si nous étions tous semblables, seulement différenciés par une configuration innée de nos cerveaux. On a besoin qu’on nous apprenne à apprendre et à aimer apprendre, à vivre et à aimer vivre avec les autres. Nous voulons ne pas être des chiffres anonymes, des statistiques, des noms sur des écrans d’ordinateurs. Nous observons, consternés, un système éducatif détourné de ses fondements républicains et de ses valeurs et ne pouvons nous taire. Nous sommes la France de demain et d’après-demain et tout ce que nous aurons eu à subir, nous ne pourrons faire autrement que de vous le faire payer à notre tour quand vous serez devenus bien vieux, usés et fatigués. Ok, boomer ?
Charlotte, Kevin, Kylian, Cynthia, Mohamed, Léa, Fiona, Ludmilla, Ianis, Thomas, Mathieu, Mattieu, Matthieu, Matéo, Mathéo, Iris, Faiza, Sandrine, Cendrine, Sandra, Oscar, Carlos, Jean-Charles, Hubert-Yves, Nabila, Andrianina, Claire, Marie, Nicolas, Kim, Tim, Tom, Tam, Colette, Fano, Eve, Eva, Evita, Sécarta, Alfonso, Pedro, Ricardo, Pastisso, Erwan, Edwin, Erwin, Edwan, Corentin, Marina, Baie-des-Anges, Isaac, Josuah, Sibeth, Jean, Amadou, Célia, Céline, Hugues, Aufray, Jean-Foutre, Suzanna, Carla, Clara, Roselinde, Kader, Jody, Oussama, Josiane, Carine, Corinne, Mamadou, Vincent, François, Paul et les autres

Comment traquer des taupes dans un ministère ? Faisons le point calmement.

Le ministre : Vous avez vu comment je l’ai anesthésié le Boulleau ? 150 000 jeunes vont rentrer en collège. « Wow ! Tant que ça ! » qu’il a dit.
Le conseiller 1 : Très bien.
Le conseiller 3 : Parfait.
Le ministre : Et pas de question bien sûr sur la fameuse tribune… On a fait ça entre personnes éthiques et responsables.
Le conseiller 1 : Très bien.
Le conseiller 3 : Parfait.
Le ministre : D’ailleurs, ça retombe déjà, cette affaire. Même La Dépêche du Midi ne m’en a pas parlé.
Le conseiller 1 : Ouh la ! C’est que c’est des difficiles à La Dépêche.
Le conseiller 3 : Il y en a parfois qui osent poser des questions. C’est un organe de grande investigation.
Le ministre : Mais, il n’est pas là votre collègue ?
Le conseiller 1 : Je sais pas, on ne l’a pas vu depuis ce matin.
Le conseiller 3 : Il est peut-être malade.
Le directeur de cabinet : Ah non, il est là. Je l’ai vu dans un couloir à midi, il s’était fait livrer un kebab.
Le ministre : De quoi ?! Pas de radicalisation dans mes services ! Vous enverrez une note à Castaner pour qu’il fasse une fiche sur lui.
Le conseiller 1 : Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il travaille beaucoup. C’est quand même lui qui vous a donné tous les chiffres bidons pendant deux mois.
Le conseiller 3 : Et puis, il a une vie privée difficile. Sa femme, son amant, tout ça… Il n’est peut-être pas bien en ce moment.
La secrétaire : Monsieur Gilles-Robert de Lacretelle de Saint-Rambon demande s’il peut être reçu en dépit de son retard.
Le ministre : C’est qui ?
La secrétaire : Votre conseiller.
Le ministre : Ah ben oui, c’est vrai… Un jour, il faudra que je fasse des fiches pour me rappeler des noms des gens qui travaillent avec moi. Comme ça, je ne découvrirai pas sur internet que certains bossent pour l’IFRAP.
La secrétaire : Il peut entrer ?
Le ministre : Il peut…
Le conseiller 2 : Monsieur le ministre, ça y est ! J’ai la liste !
Le ministre : Vous êtes en retard…
Le conseiller 2 : C’est que c’est compliqué. Un haut fonctionnaire à l’Education Nationale c’est comme une huître un mois en r, ça s’ouvre difficilement.
Le ministre : Alors ? Qui a trahi l’immense confiance que je portais à cette haute administration qui m’aime tant depuis trois ans ?
Le conseiller 2 : Avant de vous dire, il faut que je vous raconte les conditions difficiles de mon enquête. J’ai dû planquer dans des placards toute la soirée, cette nuit et ce matin.
Le directeur de cabinet : Pourquoi avoir espionné et ne pas être allé directement interroger les gens ?
Le conseiller 2 : Vous savez bien comment c’est. Dès qu’on arrive quelque part ; c’est pire que si on avait le virus, tout le monde s’écarte.
Le conseiller 1 : C’est vrai. Il y en a même qui nous crachent leurs fumées de cigarettes dessus dans la cour.
Le conseiller 3 : Quand ils ne nous lancent pas des insultes du genre « Veuillez s’il vous plait enlever votre main de sur mes fesses ».
Le ministre : Bien. Combien de noms sur cette liste ?
Le conseiller 2 : Cinq, monsieur le ministre.
Le ministre : Vous voyez, quand je vous disais que c’était un groupuscule.
Le directeur de cabinet : Pour une tribune qui se dit refléter la pensée dominante, c’est faiblard comme nombre.
Le conseiller 1 : Ben vous savez, les mousquetaires contre Richelieu, ils n’étaient que trois.
Le conseiller 3 : Et les bourgeois de Calais ? Six qu’ils étaient. Et pourtant ils faisaient pas dans la dentelle à l’époque.
Le ministre : Alors, qui ?… Des gens de la Direction Générale des Ressources Humaines ?
Le conseiller 2 : Alors, oui… Là-bas, il y a Malika ben Ali et Faiza Zouiri…
Le directeur de cabinet : Je ne les connais pas.
Le ministre : Moi, je vous ai dit, tant qu’on ne m’aura pas fait mes fiches…
Le directeur de cabinet : Sûrement une infiltration d’un réseau islamiste par le biais des filières spéciales de Sciences-Po…
Le conseiller 2 : Je les ai surprises alors qu’elles disaient du mal de monsieur le ministre pendant qu’il passait sur TF1.
Le directeur de cabinet : Elles regardaient la télé tout en travaillant ?
Le conseiller 2 : Oui mais, à ce moment-là, elles vidaient les corbeilles. Alors c’était faisable.
Le conseiller 1 : Tu es sûr que ce n’était pas des femmes de ménage ?
Le conseiller 3 : Et elles disaient quoi sur monsieur le ministre ?
Le conseiller 2 : Je ne sais pas si je peux le dire devant monsieur le ministre…
Le ministre : Allez-y, je ne crains rien… Vous savez quand on a été face-à-face avec Jean-Jacques Bourdin à 30 cm l’un de l’autre, on n’a plus peur de rien.
Le conseiller 2 : Alors, il y en a une qui disait que vous faisiez peur à ses gosses et l’autre qu’il n’aurait pas fallu faire reprendre les écoles aussi tôt.
Le ministre : Sauf erreur, ce ne sont pas là des éléments présents dans la tribune.
Le directeur de cabinet : Tout à fait… Je ne pense pas que ces personnes soient liées de près ou de loin à ce torchon.
Le conseiller 1 : Moi, je n’en suis pas si sûr. Des femmes de ménage, ça passe par tous les services. Cela peut permettre de faire circuler les informations facilement et discrètement.
Le conseiller 3 : C’est sûr. Les hauts fonctionnaires ont oublié d’être cons, ils ne vont pas utiliser la messagerie interne pour communiquer.
Le ministre : Admettons… Ensuite ?
Le conseiller 2 : J’ai trouvé l’identité de la personne qui a tapé la tribune. C’est Marceline Chombier de la Délégation à la Communication. J’ai vérifié sur son ordinateur, les polices correspondent. Arial 12…
Le ministre : Il y a bien de gros poissons quand même ? Là, c’est du menu fretin, pas du haut-fonctionnaire.
Le conseiller 2 : Oui… Edouard Geffray… Rien que le nom fait peur…
Le ministre : Edouard ? Mais c’est le DEGESCO… C’est le numéro 2 du ministère…
Le conseiller 2 : Justement, il a un mobile… Si vous démissionnez, il prend votre place.
Le ministre : Vous êtes consternant…
Le conseiller 2 : Ben oui, je suis consternant… C’est vous qui nous avez dit qu’il ne fallait pas être du côté des pédagogos…
Le ministre : Bon, alors, le dernier nom a intérêt d’être précis, crédible et argumenté sans quoi je vous envoie bosser sur le SNU, les seules colonies de vacances qu’il y aura cet été.
Le conseiller 2 : Monsieur le ministre, la tête de tout le complot était quelqu’un d’infiltré tout près de vous depuis plusieurs semaines.
Le ministre : Qui ça ?…
Le conseiller 2 : Blandine machin-chose…
Le ministre : Oui, ben si vous comptez sur moi pour me souvenir de son nom à rallonge… Et vous avez quoi comme preuve ?
Le conseiller 2 : Aucune mais j’ai jamais pu la sentir. Elle connait des profs et des élèves, c’est déjà assez louche comme ça.
La secrétaire : Monsieur le ministre, il y a un monsieur qui demande à être reçu.
Le ministre : Qui est-ce ?
La secrétaire : Il n’a pas voulu dire son nom.
Le ministre : Alors, vous lui dites non.
La secrétaire : Mais peut-être n’ai-je pas bien ouï.
Le ministre : Alors, vous lui dites oui… Ah, c’est vous !… « Matignon »…
Matignon : Excusez-moi de vous interrompre, monsieur le ministre, et de ne pas avoir donné mon nom puisque je ne suis pas supposé être connu au sein de ce ministère.
Le ministre : Finissez d’entrer et posez-vous sur un fauteuil.
Matignon : Vous savez qu’en tant qu’ancien journaliste devenu conseiller en communication mais qui va quand même dans des émissions à la télé et à la radio comme si j’étais toujours journaliste, je rencontre plein de monde.
Le directeur de cabinet : Même pendant le confinement ?
Matignon : Surtout pendant le confinement. Alors, pour votre fameuse tribune, tout le monde est d’accord parmi mes sources. Ca vient de Matignon !
Le conseiller 2 : Ah, je me doutais bien que vous étiez dans le coup. Je n’avais pas de preuves mais…
Le ministre : Mais non, sinistre crétin, de l’hôtel Matignon. D’Edouard Philippe…
Le conseiller 2 : Ah ben alors, j’avais au moins un prénom qui était bon…
Matignon : Le Premier ministre s’accroche à son siège. C’est pour ça qu’il a affirmé aux Français qu’ils pourraient partir en vacances sans préciser que ça devrait se faire dans un rayon de 5 kilomètres autour de chez eux.
Le conseiller 1 : Et le Premier ministre nous en veut tant que ça ?
Matignon : C’est rien de le dire. Il n’arrête pas de hurler qu’il est obligé de passer sans arrêt derrière les conneries des conseillers de Blanquer. Mais les hauts fonctionnaires sont malins, eux, ils ont tout goupillé en secret.
Le ministre : Je le savais.
Le directeur de cabinet : J’en étais sûr.
Le conseiller 2 : Et ils utilisent les femmes de ménage comme intermédiaires, c’est pas con…
Matignon : J’ai obtenu quatre noms…
Le conseiller 2 : Cinq ! J’ai gagné…
Matignon : Mais c’est du lourd… Je pense que si on les cuisine un peu, on aura le nom de quelques complices.
Le ministre : Bon, les trois rigolos, trouvez-moi un bureau bien insonorisé et convoquez-moi là-bas un à un les personnes dont monsieur Matignon va vous donner les noms. Vous leur faites écouter en boucle mon intervention du 12 mars sur les écoles qui ne fermeront pas. Volume à fond ! Ils finiront par craquer.
Le conseiller 1 : Et s’ils ne craquent pas ?
Le directeur de cabinet : On leur retire leur pass pour aller faire de la gym à l’Assemblée Nationale. Si ça a marché avec Benalla, ça marchera avec tout le monde.
Le ministre : Dépêchez-vous ! Je veux des résultats avant ce soir… Quoi encore, Madeleine ?!!
La secrétaire : Il y a deux jeunes personnes qui demandent à vous voir.
Le ministre : Qui sont-ils ?
La secrétaire : Je ne sais pas. Avec leurs masques, je n’ai pas compris leur nom et je les ai pas reconnus.
Le ministre : Hommes ? Femmes ?
La secrétaire : Je ne sais pas. Les deux ont les cheveux longs…
Le conseiller 3 : Pardon, monsieur le ministre, mais vous savez que vous avez les deux pots de colle des CVL dans l’antichambre ?
Le ministre : Ah non, il ne manquait plus qu’eux… Faites-les entrer… Je ne peux pas les éviter… Mais venez me rappeler que je dois partir dans cinq minutes pour le JT de 17h30 de France 4.
Kevin : Salut, monsieur le ministre, ça faisait longtemps, hein ? J’suis désolé, pas encore eu le temps de passer chez le coiffeur.
Le ministre : De grâce, articulez quand vous parlez avec votre masque.
Charlotte : Ben, justement… C’est un des problèmes dont nous sommes venus nous parler grâce à l’aide de monsieur le Premier Ministre qui a envoyé une voiture nous chercher.
Le directeur de cabinet : Voyez-vous ça…
Kevin : C’est pas possible qu’on reprenne les cours. Regardez comment c’est avec les petits. Ils pleurent, ils jouent tous seuls, ils n’apprennent rien… Alors, vous imaginez, nous ?
Charlotte : On ne va pas comprendre ce que disent les profs, on va se rassembler devant le lycée pour discuter. En plus il va faire beau avec le réchauffement climatique.
Kevin : En plus, il paraît qu’il ne faut pas parler en face de quelqu’un. Ceux du premier rang, ils vont demander une prime de risque. Et comme vous êtes pas généreux, vous allez juste leur coller des médailles comme au personnel soignant.
Charlotte : Et puis il y a l’oral de français. C’est trop dur de le préparer… Et vous me connaissez, je suis une bonne élève. Alors, vous imaginez, ceux qui ne peuvent pas communiquer avec leurs profs.
Kevin : Ou ceux qui ont leur classe virtuelle interrompue par un type qui se croit drôle ou un film porno…
Charlotte : Bref, on est venu vous annoncer que demain, on va publier une tribune contre votre politique.
Le ministre : Une tribune anonyme bien sûr. Comme tout le monde.
Kevin : Ah non, il y aura nos noms. 75 812 noms à l’heure actuelle… Ce sera tellement long qu’on ne fera pas d’impression papier pour protéger la forêt amazonienne.
Le ministre : Eh bien, merci de me prévenir. Vous avancez, vous au moins, à visage découvert.
Kevin : Ah ben non, on a gardé nos masques… Par contre pour la distanciation machin, avec Charlotte, ça fait un mois et demi qu’on n’y arrive plus… De jour comme de nuit.
Le ministre : Et vous la publierez où votre tribune ?
Charlotte : Ben, sur internet… Sur Snapchat…
Le ministre : Snap quoi ?
Kevin : Snapchat.
Le directeur de cabinet : Ce doit être l’équivalent du Café pédagogique pour les élèves.
Le ministre : Eh bien, je vous remercie d’être…
La secrétaire : Monsieur le ministre, c’est l’heure de votre intervention dans le JT de 17h30…
Le ministre : Je viens… Je pense qu’on ne devrait pas tarder à se revoir.
Kevin : Oui. Il a été gentil, monsieur le Premier ministre, il a fait rouvrir un hôtel rien que pour nous et on reste à Paris jusqu’au 1er juin…
Le directeur de cabinet : Tu m’étonnes…
Le ministre : Allez, bon débarras… Donc, si on résume, les taupes, y en a plein partout. Le demi-barbu, il veut me griller… Mais personne ne le sait.
Le directeur de cabinet : Et vous allez équilibrer ça avec votre chronique dimanche dans le JDD…
Le ministre : Et les élèves vont se révolter sur un truc que personne ne connait et dont personne n’entendra pas parler surtout la presse qui en est restée au Minitel.
Le directeur de cabinet : Donc, tout va bien…
Le ministre : Oui… Enfin, tirez-moi cette histoire de kebab au clair.

Est-il difficile de faire face à une tribune très critique ? Faisons le point calmement.

Le ministre : Alors ? Alors ? Qui c’est qui avait raison ?
Le conseiller 1 : A quel propos, monsieur le ministre ?
Le ministre : A propos de ma rentrée… Qu’est-ce que j’ai pas entendu jusqu’à dimanche ? Que ça allait pas marcher. Que ce serait une catastrophe. Qu’on allait devoir reconfiner de suite ?
Le conseiller 2 : Des jaloux, monsieur le ministre…
Le conseiller 3 : Des ingrats qui ont oublié tout ce qu’ils vous devaient. Pourtant, ils en ont eu des primes, monsieur le ministre.
Le ministre : Et regardez ! Partout où je vais les enfants sont contents, les profs ont des masques, les tables sont bien séparées et y a des TNI qui fonctionnent.
Le directeur de cabinet : Et la presse dit que ça se passe encore mieux dans le privé que dans le public. C’est le rêve. Marie-Estelle a eu un orgasme.
Le ministre : Mais dites donc, qu’est-ce que j’ai appris sur vous ? Vous seriez à l’IFRAP ? Vous voudriez démanteler le service public ?
Le conseiller 2 : Des jaloux, monsieur le ministre.
Le conseiller 3 : Des ingrats…
Le ministre : Il n’empêche, il leur en a fallu du temps pour s’en rendre compte… Vous ne comptez pas démissionner ou vous suicider de honte ? C’est pas prévu ?
Le directeur de cabinet : Non.
Le ministre : Alors, je vous garde… Vous avez vu, même mon lapsus sur les vacances au lieu du confinement, c’est passé comme une lettre à la poste.
Le conseiller 1 : Il faut dire que c’est pas toujours facile de s’y retrouver dans ce que vous dîtes… Alors, on ne sait plus ce qui est voulu et ce qui est lapsus.
Le ministre : Mais enfin ?! Qu’est-ce que vous dîtes ?… C’est toujours clair ce que je dis !
Le conseiller 1 : Oui, mais parfois vous dîtes l’inverse de ce que vous aviez dit la veille.
Le ministre : Je vous l’ai déjà expliqué, c’est tactique. J’affole la meute…
Matignon : A ma connaissance, le dernier homme politique dont les propos ont été clairs, ça ne lui a pas réussi.
Le conseiller 2 : Ah, c’était qui ?
Matignon : Michel Rocard. Jamais pu être président…
Le ministre : Tandis que moi, je vais aller à Matignon et au-delà.
Le conseiller 3 : C’est sûr ?
Le ministre : L’IFRAP, l’Institut Montaigne, AXA et Bolloré sont pour… Ils ont fait passer des tests à Philippe. Parait qu’il a un fond de gaullisme dans le sang et que c’est pas bon pour le pays. Donc 2020 Matignon et 2022 L’Elysée…
Le directeur de cabinet : L’Elysée ?
Le ministre : Ben oui… A un moment donné, il faut être sérieux. Face à la crise, qui a tenu le pays en le rassurant cinq fois par jour dans les médias ? C’est Macron peut-être ? Alors ils vont lui trouver plein de conseils d’administration où il pourra siéger, toucher des jetons et s’acheter des cordons bleus…
Matignon : Ne vendez pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué…
Le ministre : L’ours, je vais m’en faire une descente de lit. J’ai les chasseurs avec moi… Il ne vaudra bientôt pas plus qu’un Cachou.
Le conseiller 2 : Ah ben ouf, on est rassurés…
Le ministre : Rassurés par quoi ?… Vous pensiez aussi que j’étais fini comme tous ces journalistes qui commençaient à écrire des articles critiquant ma méthode, mon essoufflement, mes contradictions et mon arrogance.
Matignon : Arrogance que nous allons bien finir par gommer. On y travaille dur.
Le conseiller 2 : Non, c’est à cause de la tribune qui est parue aujourd’hui…
Le conseiller 3 : On s’est dit « Ouh là ! Le patron, il ne va pas aimer… »
Le conseiller 1 : On pensait que ça allait être la Bérézina…
Le ministre : Mais non, ce sera Austerlitz ! Wagram ! La Marne ! Moscou 2018 !
Matignon : Toujours positiver, c’est bien ça pour conduire un pays dans la tempête…
Le ministre : C’est de qui cette tribune ? Des profs gauchistes comme d’habitude ? Ces gens qui ne mettent le pied en classe que quand ils font une visite syndicale ?
Le conseiller 1 : Non, non.
Le ministre : Des parents d’élèves de la FCPE ? Ceux-là, je ne sais pas pourquoi, ils m’ont dans le nez depuis le début.
Le conseiller 2 : Non, non.
Le ministre : Pas les perdirs quand même ? Avec ce que je les ai chouchoutés depuis trois ans… Et que je t’augmente, et que je te donne plus de pouvoir…
Le conseiller 3 : Des ingrats, monsieur le ministre… Mais non, non, c’ets pas eux.
Le ministre : Mais alors c’est qui ?
Le conseiller 1 : Dis-lui toi.
Le conseiller 2 : Non, toi…
Le conseiller 3 : Ah non, c’est déjà moi qui lui ai dit qu’on était pas prêts pour l’enseignement à distance…
Le conseiller 1 : Ben voilà…
Le conseiller 2 : En fait…
Le conseiller 3 : Mais c’est pas nous, hein…
Le directeur de cabinet : C’est les gens du ministère qui nous lâchent, voilà…
Le ministre : Quoi ?!… Quoi ?!… Comment ça ?! Ils me lâchent ?
Le directeur de cabinet : Ils ont écrit une tribune où ils vous critiquent… Enfin, ils nous critiquent… Tout le cabinet…
Le ministre : Mais je vais les faire muter en Terre Adélie !!!
Le conseiller 1 : Je vous rappelle que vous y avez déjà envoyé du monde, que les pingouins protestent et que les écologistes ont fait un rapport au WWF.
Le ministre : Je m’en fous… Ils n’auront rien à faire, ils s’emmerderont, ça ne les changera pas du peu de boulot qu’ils font ici et dans les rectorats !
Le conseiller 2 : Mais on mettra qui à la place ?
Le ministre : Personne ! Ca tournera très bien sans ces nuls ! Vu qu’il n’y aura plus rien à faire.
Matignon : La colère, je vous l’ai déjà dit, est mauvaise conseillère…
Le ministre : Mais j’en ai rien à foutre, moi… On me poignarde dans le dos, je me défends. Je suis pas comme Henri IV face à Ravaillac, moi. Je me défends. Je fais face ! Je veux la liste des signataires !
Le conseiller 3 : C’est anonyme…
Le ministre : De mieux en mieux… Même pas le courage d’affronter la tête haute l’article 1 !… Eh bien, on va faire une enquête. Je veux tous les noms, les complices, les complices des complices et savoir à combien ils sont de la retraite !
Le conseiller 1 : Pourquoi ça, la retraite ?
Le ministre : Pour faire une loi spécialement pour eux quand je serai Premier ministre qui les fera bosser jusqu’à 85 ans !… Et ne protestez pas en disant que c’est inhumain. De la façon dont ils travaillent, j’aurais pu dire 100 ans que ça ne les aurait pas fatigués plus que ça.
Le conseiller 2 : Mais enfin, c’est la haute administration quand même. Ils ont souvent fait les mêmes études que nous. Ils ne sont pas si cons que ça.
Le ministre : Pas plus cons c’est vrai mais ce sont des pantouflards. C’ets pas eux qui feraient plus de 2 interviews par jour… Sans moi, ils ne sont rien !
Le directeur de cabinet : Mais enfin, il faut bien que quelque chose les ait mis de mauvaise humeur contre nous pour qu’ils sortent cette tribune ? Vous êtes désagréables avec eux ?
Le conseiller 3 : Supérieurs et arrogants. Autoritaires dans les ordres et impatients des résultats. Le truc normal quoi…
Le ministre : Mais ils disent quoi là-dedans ?
Le conseiller 1 : Que vous voulez détruire l’Education Nationale.
Le conseiller 2 : Que vous vous servez de la laïcité à des fins peu glorieuses.
Le conseiller 3 : Que vous bradez le public au profit du privé.
Le ministre : C’est tout ?
Le directeur de cabinet : C’est déjà beaucoup…
Le ministre : Oui mais d’un autre côté c’est vrai… C’est bien ce qu’on fait…
Le directeur de cabinet : Ben oui… C’est notre proooojeeet ! Secret mais c’est notre prooojeeet quand même.
Le ministre : Et il leur a fallu trois ans pour s’en rendre compte ?… Vous voyez, j’avais raison quand je disais qu’ils ne bossaient pas. S’ils avaient fait leur boulot, ils s’en seraient rendus compte depuis deux ans et demi.
Matignon : Ils n’osaient peut-être pas le dire…
Le ministre : Des timides… Comme c’est mignon…
Matignon : Ah non, ils devaient avoir peur de vous. Comme beaucoup de gens…
Le ministre : Peur de moi ? Mais pourquoi ?… Je suis la sympathie même.
Le conseiller 1 : Ben, quand on va dans les écoles, on doit trouver des élèves volontaires…
Le ministre : Je ne vois pas le rapport…
Le conseiller 1 : Ben, il y a ceux qui fuient quand on prononce votre nom, ceux qui fuient quand on vous montre en photo parce qu’ils ne savent pas qui vous êtes, ceux qui fuient quand vous arrivez, ceux qui fuient parce qu’ils ont peur qu’on les voit en photo avec vous…
Le ministre : Ils ont peur de moi ? Des enfants ?… Alors que je fais du paddle, du sprint et plein d’autres activités ludiques avec eux…
Le conseiller 1 : Ben souvent, on est obligés de prendre des militants LREM de petite taille et qui font plus jeunes que leur âge. Alors, faudrait arrêter d’aller visiter des maternelles, ça n’est plus jouable.
Matignon : Je vous l’ai dit et répété. Vous devez inspirer confiance…
Le ministre : Mais enfin, la Confiance c’est mon idée à moi. Mon projet. C’est moi qui ai déposé le brevet. Je veux de la Confiance partout ! En lois, en vidéos, en vadémécums, en passage à la télé et à la radio. Confiance matin, midi et soir…
Le conseiller 2 : Ben voilà, justement, la Confiance, ils disent que c’est une arnaque…
Le ministre : Enfin, c’est pas possible… Je suis tellement souvent avec Léa Salamé qu’elle m’appelle tout le temps Raphaël et qu’elle me parle philosophie en buvant le café…
Matignon : Vous voyez… Cela montre que vous n’êtes finalement porteur d’images positives que chez les cadres supérieurs de plus de 55 ans vivant dans les grandes métropoles à l’intérieur du périphérique dans des duplex de plus de 100 m² avec cuisine équipée…
Le ministre : Ben, justement, la haute administration c’est eux !
Matignon : Ben voilà, ça montre qu’au bout de trois ans, même eux, ils ne vous aiment plus.
Le ministre : Ils ont pris leur temps quand même. Trois ans… Et puis c’est pas comme si j’avais pas été DEGESCO avant.
Le conseiller 3 : C’est peut-être l’usure du pouvoir ?… Vous avez peut-être fait la réforme de trop…
Le ministre : Bien sûr que non ! J’ai à peine attaqué le collège… Mais c’est où qu’ils ont chié leur tribune ?
Le directeur de cabinet : Dans le Café pédagogique…
Le ministre : Ah mais pourquoi vous n’avez pas commencé par ça ?! Le Café pédagogique… Mais qui connait le Café pédagogique en dehors des profs ?… Vous m’auriez dit en une du Monde et avec un dessin assassin de Plantu… Et encore !… Mais le Café pédagogique…
Le conseiller 1 : Vous êtes rassuré, monsieur le ministre ?
Le ministre : Oh mais tout à fait. Ca va faire de la mousse deux jours et puis ce sera fini. On n’aura qu’à dire que c’est un café qui a ouvert trop tôt au mépris des règles sanitaires et le tour sera joué… Regardez, même avec tout ce que Médiapart a balancé sur Avia, sa loi est passée…
Le conseiller 2 : Ah, alors tout va bien…
Le ministre : Mais oui… Cool… Fin d’alerte… Vous pouvez rentrer chez vous… A ce propos, la fin de ce confinement, ça s’est bien passé pour vous ?
Le conseiller 1 : Nickel… Toute façon, on était là tous les jours.
Le conseiller 3 : Pas de souci. Le frigo était plein.
Le conseiller 2 : Moi, je ne sais pas trop… Parce que ma femme était confinée chez son amant… Alors, je ne sais pas trop comment ça va être quand on va se retrouver à la maison ce soir.
Le ministre : Très bien. Alors, les autres vous rentrez chez vous et vous, vous restez ! Je veux tous les noms demain matin sur mon bureau. Tous !

Veillée d’armes avant le 11 mai. Faisons le point calmement.

Le ministre : Bien, je vous remercie d’être tous là pour cette veillée d’armes. Demain sera un jour glorieux pour la France, pour les platanes et pour moi.
Le conseiller 1 : Vous êtes Napoléon avant Austerlitz.
Le conseiller 2 : Vous êtes le duc d’Enghien avant Rocroi.
Le conseiller 3 : Vous êtes Hannibal avant la traversée des Alpes.
Blandine : Vous êtes Grouchy avant Waterloo…
Le ministre : Vous êtes toujours là, vous ? Elle n’est toujours pas revenue, Madeleine ?
Blandine : Non. Mettre au monde deux jumeaux un mois après terme, c’est chaud.
Le ministre : Elle revient quand alors ?
Blandine : Demain…
Le ministre : Quand je vous disais que demain serait un jour extraordinaire !
Le directeur de cabinet : Donc, au menu de cette dernière réunion, mise au point générale puis communication aux familles et aux élèves.
Blandine : Et aux profs ?
Le ministre : S’ils n’ont pas acheté aujourd’hui le JDD, le Parisien, le Monde, Rustica et Tatoo-Magazine, je ne peux rien faire pour eux.
Le directeur de cabinet : On pourrait peut-être leur envoyer un récapitulatif ce soir vers 22 heures.
Le conseiller 1 : Inutile ! Ils n’auraient pas le temps de le lire.
Le conseiller 2 : Même en cent ans, ils n’auraient pas le temps de le mettre en pratique.
Le conseiller 3 : Ils n’auraient plus d’encre pour l’imprimer.
Le ministre : Ils auraient surtout la flemme de le lire !
Le directeur de cabinet : C’est évident. A cette heure-là, ils sont devant le film, ces feignasses !
Le ministre : Parce que je sais qu’ils ont décidé de me pourrir cette reprise…
Blandine : Ce n’est pas une reprise.
Le ministre : Oui, cette rentrée…
Blandine : Ce n’est pas une rentrée.
Le ministre : C’est quoi alors ?
Le conseiller 1 : Une rentrise ?
Le conseiller 2 : Une reptrée !
Le conseiller 3 : Joker !
Blandine : C’est un retour en classe… Bon sang ! Les mots ont un sens.
Le ministre : Oui, mais uniquement quand ça nous arrange.
Le conseiller 4 : Vous ne devez pas tomber dans la véhémence. Ce n’est pas bon pour vous.
Le conseiller 1 : Qui c’est lui ?
Le ministre : Une personne que vous n’avez encore jamais rencontrée mais qui m’accompagne depuis un mois.
Le conseiller 2 : Encore un nouveau ?! Déjà qu’il faut qu’on supporte la fille !
Le conseiller 3 : C’est vrai. Plus il y a de personnes, plus il y a d’idées et plus on est tenté d’essayer de trouver la meilleure au lieu de chercher celle qui fera parler le plus.
Le ministre : Monsieur… Nous l’appellerons monsieur Matignon… est là sur recommandation de la conseillère en communication du Président de la République pour essayer d’atténuer une certaine raideur dans ma communication.
Matignon : Voilà ! Nous sommes déjà dans l’après.
Le directeur de cabinet : Donc, si vous voulez accompagner le mouvement, sachez écouter les bons conseils de monsieur Matignon.
Le ministre : Bien… Alors quel bilan de mes différentes interventions de ce matin ?
Le conseiller 1 : Les profs sont en rage.
Le conseiller 2 : Les chefs d’établissement sont en route pour l’asile le plus proche.
Le conseiller 3 : Les gens qui n’ont pas d’enfants scolarisés sont rassurés.
Le ministre : Parfait, c’est tout ce qui compte.
Matignon : Ne donnez pas l’impression d’être content de vous.
Le ministre : Mais je suis content de moi. Ce virus me permet d’accélérer la décomposition du système scolaire encore plus vite que prévu. Mon seul souci, c’est que Frédérique Vidal aille plus vite que moi pour les universités.
Le conseiller 1 : Elle a pris de l’avance…
Le conseiller 2 : Elle parle déjà de la prochaine rentrée.
Le conseiller 3 : Les cours à distance tout ça tout ça…
Le directeur de cabinet : C’est vrai qu’elle va réussir à faire faire chaque cours par un seul professeur pour toute la France.
Le ministre : Nous y viendrons…
Le directeur de cabinet : Si c’est en retard, on aura l’air fin.
Le ministre : Au contraire, nous pourrons dire que nous préparons les élèves aux nouvelles exigences du supérieur. Dès la sixième, prise de notes devant les émissions de Lumni sur France 4…
Le conseiller 1 : Et vérification auprès du professeur ?
Le ministre : Mais non. Vérification de la prise de notes par les parents.
Le conseiller 2 : Mais s’ils n’y connaissent rien les parents, comment ils vont vérifier ?
Le ministre : Ils iront sur VerifCours.
Le conseiller 3 : VerifCours ? On a déjà réfléchi sur ça ? C’est un nouveau service du CNED ? Jamais entendu parler…
Le ministre : Ce sera un service payant assuré par les étudiants ayant raté les concours.
Le conseiller 1 : Ah… Ok… C’est ingénieux…
Le ministre : Pourquoi croyez-vous que j’ai parlé d’assistance scolaire gratuite pour cet été ?
Le conseiller 2 : Pour faire bosser les profs davantage.
Le ministre : Oui, mais pas que…
Le conseiller 3 : Pour gâcher les vacances…
Le ministre : Oh, ils ne comprennent rien ! Si je dois conseiller mes conseillers, à quoi me servent-ils ?… En parlant d’une assistance gratuite, je les prépare à l’idée d’une assistance payante.
Le conseiller 1 : Ah… Ok… C’est ingénieux.
Le conseiller 2 : Oui mais alors ? Les profs ?…
Le directeur de cabinet : C’est là que la reprise… la rentrée… enfin, le machin de demain prend toute son importance. Les profs ne risquent rien parce les élèves ne sont pas malades… Mais…
Le conseiller 3 : Vous voulez dire que ?…
Le directeur de cabinet : Nous avons du mal à en recruter ? Non, nous en voulons moins… Mais comme le nombre ne baisse pas encore assez vite…
Le conseiller 1 : C’est pour ça qu’on ne doit rien dire sur la suite des concours ?
Le ministre : Voilà… Tous ceux qui vont se décourager ou ne plus pouvoir attendre, hop ! Contrat à 800 euros chez VerifCours. Génial, non ?
Matignon : Encore une fois, forcez-vous à faire semblant d’être humble. Votre physique vous pousse déjà à l’arrogance, n’en rajoutez pas.
Le directeur de cabinet : Diminution du nombre des profs égale dépenses moins importantes de l’Etat. On va pouvoir augmenter… Ah oui, au fait, on augmente qui déjà ? Je ne sais plus.
Le ministre : Les enseignants qui ont travaillé pendant le confinement.
Blandine : Tout le monde, quoi… Les fameux 300 euros par mois que vous avez annoncé 5 fois. L’année dernière, mon cousin il croyait que j’avais gagné 1500 euros de plus par mois grâce à vos réformes. Bon, faut dire qu’il tient un hôtel et qu’il a BFMTV en boucle à l’accueil.
Le ministre : Tout le monde n’a pas travaillé pendant le confinement ! On a des exemples. Un prof de gym hospitalisé n’a pas donné de cours en ligne pendant un mois.
Le conseiller 2 : J’en ai d’autres… Une prof d’histoire a fait lire le manuel à ses élèves pendant 15 jours.
Le conseiller 3 : Un prof de maths a envoyé l’intégralité du programme dans un fichier pdf et puis il a donner trois pages d’exercices à faire pour le lendemain.
Le conseiller 1 : Euh non, là… Il a fait ce que font toujours les profs de maths. C’est pas un bon exemple.
Le ministre : Enfoncez-vous ça dans le crâne comme j’ai réussi à le faire passer subtilement à chaque intervention média. Après avoir félicité tous les profs pour leur engagement, j’ai surtout parlé des profs qui gardaient les enfants de soignants. C’est eux qu’il faut augmenter.
Le directeur de cabinet : De 1000 euros, c’est bien ça ?
Le ministre : C’est ce qu’on a dit.
Le conseiller 2 : Oui mais… 1000 euros, ce serait s’ils avaient fait un travail normal devant une classe normale. Là, ils avaient quoi ? 7 à 12 élèves. Ca fait quoi ça en salaire ?
Le conseiller 3 : 300-400 euros…
Le ministre : D’accord. Disons 250 euros et on n’en parle plus.
Le conseiller 1 : Brut ou net ?
Le ministre : Ben, brut… Depuis quand est-ce qu’on donnerait le salaire réellement touché par un prof ?
Le directeur de cabinet : Quels retours sur l’évocation de Phèdre pour le Bac français ?
Le conseiller 1 : Les profs de lettres sont vent debout.
Le conseiller 2 : Déjà qu’ils flippent de devoir rester enfermés des heures avec des élèves à un mètre de leur visage.
Le conseiller 3 : Mais c’était bien de parler de Phèdre. C’est bien dans l’esprit « retour aux fondamentaux ». Vous auriez évoqué « Ils s’aiment » avec Larroque et Palmade, ça aurait fait moins peur.
Le ministre : L’objectif est clair. Il faut à nouveau remplir les écoles…
Blandine : Et puis après les hôpitaux.
Le ministre : Retenez-moi ou je fais un malheur ? Conseillère de la Présidente ou pas…
Matignon : Vous devez contrôler vos impulsions. Un croque-mort agité n’est pas un croque-mort crédible. Ben vous c’est pareil…
Le ministre : Je ne peux pas. Elle m’énerve ! Elle vient porter la contestation en plein cœur du ministère. Si j’ai viré les syndicats, les profs, les associations, hormis ceux et celles qui me soutiennent, c’est pas pour que mes conseillers me contestent !
Blandine : Mais enfin, avouez que plus personne n’y comprend rien… Comment monsieur Matignon pourra-t-il réussir à vous rendre crédible en chef de gouvernement si on ne comprend pas ce que vous voulez faire et pourquoi vous voulez le faire.
Le ministre : C’est ma technique, on ne la discute pas !… J’affeule la motte !
Matignon : Pardon ?!
Le ministre : Non… J’affole la meute… Vieille technique valenciennoise… Quand tout le monde est perdu, on se saisit de la première main qu’on vous tend.
Blandine : Et si on ne la saisit pas ?
Le ministre : On se la prend dans la gueule !…
Matignon : Non !!! Pas de vulgarité dans les propos ! Regardez Sarkozy. On l’avait prévenu mais paf ! Casse-toi pov’ con. Et de suite après, la conséquence. Des ennuis avec Khadafi.
Blandine : Et si on ne la saisit pas ?
Le ministre : On se la prend dans la gueule !…
Matignon : Non !!! Pas de vulgarité dans les propos ! Regardez Sarkozy. On l’avait prévenu mais paf ! Casse-toi pov’ con. Et de suite après, la conséquence. Des ennuis avec Khadafi. Tout se paye !
Le ministre : Eh bien, je le ferai construire spécialement. Elle donnera des cours d’histoire et de chirurgie maxilo-faciale aux pingouins et aux manchots. Si on a supprimé les CAPA pour les mutations, c’était bien pour avoir ce genre de petits plaisirs…
Le directeur de cabinet : Sinon, il y a le collège Eugène Boudin à Lalézion… 2 % de réussite au brevet des collèges.
Le ministre : Non, ce serait encore trop doux ! Mademoiselle, quand on a comme vous et moi été éduqué dans l’enseignement privé, on ne défend jamais le public !
Le directeur de cabinet : C’est vrai que cela peut facilement s’assimiler à une trahison.
Le ministre : D’ailleurs, j’y pense, vous me ferez la liste de tous ceux qui parlent dans les médias pour critiquer ma rentrée géniale de demain. On les enverra là-bas aussi.
Le conseiller 1 : ça va faire du monde…
Le conseiller 2 : Et s’il y a trop de monde au collège, on sera obligé de construire aussi un lycée.
Le conseiller 3 : Et la région ne sera peut-être pas d’accord. Peut-être qu’elle préférera d’abord acheter des manuels numériques.
Le directeur de cabinet : Bien, je crois que nous avons vu l’essentiel…
Matignon : Monsieur le ministre, arrêtez de vous toucher le visage tout le temps comme ça, vous donnez le mauvais exemple en matière de geste barrière.
Le ministre : Et alors ? ça me gratte !
Matignon : C’est un moyen de vous critiquer sur un élément hautement sensible.
Le ministre : Ben, justement, c’est hautement sensible, c’est pour ça que ça me gratte.
Blandine : ça vous chatouille ou ça vous gratouille ?
Le ministre : On a dit Phèdre !!! Pas Knock !!! La culture classique, Bon Dieu ! Pas les sketchs d’Omar Sy !… On va augmenter le niveau, j’ai dit. On va sauver les décrocheurs, j’ai dit. On va faire de la musique et de la chorale, j’ai dit. Et demain retour en classe, j’ai dit.
Blandine : Le retour du j’ai dit, quoi…
Le ministre : Vous voulez que je vous dise, mademoiselle ? Niveau humour, vous avez le niveau salle des profs. Pas plus ! Café, gitane et discussion syndicale après le repas. Cela ne va pas plus loin.
Blandine : J’ignorais que vous aviez une quelconque compétence en matière d’humour. Quand vous visitez une école, les enfants ont peur… Et encore, je suis sûr qu’on a éloigné les plus émotifs.
Le ministre : Vous soooortez !!! Je ne le redirai pas. Vous sortez !!!
Blandine : Mais si je sors, qui va prendre en note tout ce qui se dit ?
Le ministre : Personne ! Et ça vaudra mieux… Comme ça, tout ce qui se dit ici ne finira pas sur le site de Mr Blue Sky et ça nous fera des vacances.
Blandine : Encore des vacances ?! Chouette, je sors.

La truite en avant ? Faisons le point calmement.

Le ministre : Les profs aiment leurs élèves… Les élèves aiment leurs profs… C’est un bon début. Et après ?
Le conseiller 1 : On ne sait pas.
Le conseiller 2 : On pourrait évoquer la joie de se revoir à partir du 11 mai ?
Le conseiller 3 : Avec une gamine qui embrasse sa maîtresse sous l’œil attendri des deux parents ?
Le directeur de cabinet : On met l’idée de côté. On y reviendra… En revanche, l’idée de parler de la pandémie comme d’une catastrophe éducative mondiale, ça c’était bien.
Le ministre : Oui, je trouve aussi. Cela nous déresponsabilise. Si ça fonctionne mal, ce n’est pas de notre faute. Tout le monde est logé à la même enseigne.
Blandine : Je…
Le ministre : Vous, taisez-vous ! Et je vous interdis de vous approcher à moins de 5 mètres du bouton rouge de communication avec les élus des CVL
Le directeur de cabinet : D’autant que les lycées ne sont pas concernés par la rentrée du 11 mai.
Le conseiller 1 : Encore heureux !
Le conseiller 2 : On n’aurait pas assez d’idées pour communiquer sur autant de trucs en même temps.
Le conseiller 3 : On va finir épuisés, nous. D’ici à ce qu’on se plante dans notre stratégie de communication.
Le ministre : La stratégie a été définie il y a 3 ans. Je suis dans le bol de café du matin, dans l’assiette de midi et dans le ragoût du soir.
Blandine : Justement…
Le ministre : Ah, mais, arrêtez de tout le temps m’interrompre ! Je ne comprends pas pourquoi Brigitte vous a envoyée ici ? Vous êtes tout le temps négative !
Blandine : Je suis là pour aider à faire œuvre de pédagogie. A l’Elysée, ils pensent que vous n’expliquez pas assez bien aux gens.
Le conseiller 1 : Les gens ? De toutes manières, ils ne comprennent rien.
Le conseiller 2 : S’il suffisait d’avoir un bac L pour comprendre le monde, ça se saurait.
Le conseiller 3 : Alors, on ne va pas s’embêter à expliquer des trucs qu’ils ne saisiront pas.
Blandine : Parfois, je me demande si vous avez des enfants ?
Le conseiller 1 : Des enfants ?! Quelle horreur !
Le conseiller 2 : Pour quoi faire ? Les amener au club hippique alors qu’on a un dossier à potasser en urgence sur le calibrage des cartables en sixième ?
Le conseiller 3 : Et puis, ne pas avoir d’enfant, ça nous permet de garder une certaine distance avec notre travail. Ne pas être dans l’affectif…
Le directeur de cabinet : Et vous, vous avez des enfants ?
Blandine : Non. Ma carrière d’abord !…
Le conseiller 2 : Ah, vous voyez ! Vous êtes comme nous…
Blandine : Pour être tout à fait juste, j’ai quelques différences avec vous… Mais on ne se connait pas encore assez pour que je vous encourage à en prendre connaissance.
Le ministre : Moi, je pense que vous êtes une espionne !
Blandine : Une espionne ?!
Le ministre : Oui… Je vois bien que le Président et la Présidente ne me regardent plus comme avant. Avant, ils avaient confiance… Je pouvais dire ce que je voulais. Même quand j’ai parlé des platanes, on m’a félicité.
Le directeur de cabinet : Sans compter le Premier ministre qui n’arrête pas de nous mettre des bâtons dans les roues.
Le ministre : C’est vrai ? A part les écoles du Havre, qu’est-ce qu’il y connaît à l’éducation, lui ?!
Blandine : Je peux vous assurer que je ne suis pas une espionne… Je dis simplement ce que j’ai à dire. Quand un truc est con, je le dis…
Le conseiller 1 : Si je peux vous donner un conseil, il ne faut pas continuer, ça va vous faire du tort.
Blandine : Ben, c’est bien pour ça qu’on m’a virée de l’Elysée.
Le ministre : Voyez, c’est bien ce que je disais. Ils cherchent à nous faire dégoupiller pour qu’on fasse une bêtise. Et hop ! Siège éjectable !
Blandine : Je croyais que c’était la Présidente qui voulait qu’on rouvre les écoles ? J’ai raté un truc ?
Le directeur de cabinet : Mais, elle, elle est inattaquable. Elle a Gala et Paris-Match avec elle. Tandis que nous… Si on foire un truc, on saute… Et je n’ai pas envie de me retrouver directeur de cabinet à l’Agriculture.
Le conseiller 1 : C’est vrai qu’on dit les profs, les profs… Mais ils ne viennent pas déverser 2 tonnes de lisier de porc dans votre salon à la première occasion.
Le conseiller 3 : On s’égare ! On fait quoi pour le 11 ?
Tous : Un vademecum !
Le directeur de cabinet : J’aurais suggéré la constitution d’une commission de réflexion multipartite avec des gens rien qu’à nous qui nous aurait rendu des recommandations à mettre en œuvre qu’on n’aurait appliquées que si on les avaient choisies nous-mêmes…
Le ministre : Non, non, là, on n’a pas le temps. Il faut que tout soit prêt le 10 mai en début de soirée. Et puis les vademecums, il y en a déjà eu beaucoup. Il faut un autre nom. Un truc qui fasse plus sérieux, plus la situation est grave.
Le directeur de cabinet : Et qui montre qu’on est tous ensemble.
Le conseiller 1 : Une coalition ?
Le conseiller 2 : Un groupement ?
Le conseiller 3 : Une ligue ?
Le directeur de cabinet : Là, vous réunissez des personnes. Non, il faut que le document fédère…
Le conseiller 1 : Une fédération ?
Blandine : Qu’est-ce qu’on perd comme temps !… Un protocole !
Le ministre : Bon, admettons qu’une fois ou deux, vous ayez le droit de dire quelque chose de sensé et qui ne fasse pas douter de votre détermination à nous aider à réussir.
Le conseiller 2 : Protocole de sortie de crise sanitaire en milieu scolaire…
Le conseiller 3 : Protocole pour un retour joyeux à l’Ecole.
Le conseiller 1 : Protocole pour le retour des beaux jours.
Le ministre : Non, là, c’est pas possible… Le Président a dit qu’on ne devait pas s’amuser avec ses jouets. Les Beaux jours, la relation avec la fin de la Seconde Guerre mondiale, c’est son truc à lui.
Blandine : Il ne prête pas ses jouets lui aussi ?
Le ministre : Surtout pas celui-là. Il a annoncé une guerre, il annonce aussi une sortie de guerre par avance, heureuse et chantante, avec des réformes fondamentales… Comme en 45.
Le directeur de cabinet : Et, bien sûr, il n’y aura pas de réformes. Pas con ! On n’a jamais vu une tortue grimper aux arbres, on n’est pas près de voir un néolibéral reconstruire un Etat social.
Le ministre : La priorité est donc la suivante. Je ne dois pas être dans la charrette de ceux qui vont suivre le barbu bicolore à la retraite. I will survive !!! Donc, votre… protocole… il faut qu’il soit bon et qu’il fonctionne.
Le conseiller 1 : Il va fonctionner, on a tout vérifié ! Nous avons mis au point cette nuit une ébauche…
Le conseiller 2 : … de 60 pages…
Le conseiller 3 : … qu’il faudra bien sûr étoffer.
Blandine : 60 pages ?! Mais qui va lire ça ?
Le directeur de cabinet : Tous ceux qui auront à le lire. Les directeurs, les principaux de collège, les enseignants, Marie-Estelle qui sera chargée de le trouver génial et de dire que si les profs refusent c’est que ce sont des glandeurs payés à rien foutre.
Blandine : Mais pourquoi je n’ai pas pu le lire, ce… protocole ?
Le ministre : Ecoutez, vous nous avez donné le nom, ça suffit… L’essentiel n’est pas que ça marche mais que ça existe !
Le conseiller 1 : Et puis, on se méfie des espionnes…
Le conseiller 2 : On sait bien que la Présidente s’ennuie dans ses 300 m² d’appartements privés et son parc d’1,5 hectare…
Le conseiller 3 : Et qu’elle se pense un peu comme superviseuse de la politique éducative du pays.
Le directeur de cabinet : La preuve, vous êtes là…
Blandine : Ah bon ?! Alors, je ne sers à rien ?!
Le ministre : Non, à rien… Vous pouvez remplir votre autorisation dérogatoire au confinement et rentrer chez vous.
Le directeur de cabinet : D’ailleurs, où habitez-vous ?
Blandine : Au Vésinet… Oui, je sais, quand on est un grand fonctionnaire de l’Etat, on ne vit pas à l’étranger.
Le conseiller 3 : Mais Le Vésinet, ce n’est pas l’étranger…
Blandine : Mais si, je le sais bien. En France, quand on est comme vous, l’étranger commence une fois qu’on a passé le périphérique. Un jour, vous êtes fichus de rétablir la douane aux portes de la capitale pour maintenir votre petit entre-soi.
Le conseiller 2 : Tout le monde ne peut pas habiter rue de Rivoli non plus…
Le conseiller 1 : D’autant qu’avec ce que fait la mère Hidalgo, bientôt on devra avoir des vélos de fonction.
Le conseiller 3 : Tout va à la va comme je te pousse-pousse.
La secrétaire : Monsieur le ministre, vous avez un appel ?
Le ministre : Si c’est le Havrais, dîtes que je suis en train d’enregistrer une intervention à destination des médias et des parents comme tous les jours en i.
La secrétaire : Non, ce n’est pas monsieur le Premier Ministre. C’est…
Le ministre : Si c’est mon secrétaire d’Etat, vous l’envoyez… où vous savez… Non seulement, il me fait les poches avec son SNU mais, au moment où on cherche à écarter les jeunes les uns des autres, lui il veut les rassembler.
Le directeur de cabinet : Ah, comme éolienne, il aurait de l’avenir le Attal à force de brasser du vent.
Le ministre : Voilà, c’est ça. Vous lui dîtes texto : « Gabriel, tu uses mon esprit ! ». A son âge, le temps qu’il comprenne la référence, il me foutra la paix.
La secrétaire : Ce n’est pas non plus monsieur le secrétaire d’Etat auprès de vous, monsieur le ministre.
Le ministre : Mais c’est qui alors ?
La secrétaire : Je crois que ça ne va pas vous plaire…
Le ministre : Lui ?
La secrétaire : Non, ce n’est pas monsieur le Président de la République.
Le ministre : Elle ?
La secrétaire : Non, ce n’est pas non plus sa mère… Je veux dire son épouse…
Le ministre : Mais c’est qui alors ?! Accouchez, bon Dieu !
La secrétaire : Je voudrais bien accoucher, monsieur le ministre… Vous savez que j’en suis à mon dixième mois et que je ne peux pas laisser sortir le gamin parce que personne ne veut venir travailler pour vous.
Le ministre : Oui, bon là, c’est plus une grossesse, c’est de l’aérophagie que vous nous faites. Alors c’est qui ?
La secrétaire : Kylian, monsieur le ministre.
Le ministre : Mais je ne connais pas de Kylian, moi…
Le conseiller 3 : Kylian Mbappé ? Ah, voilà une image positive pour lancer notre protocole…
Le ministre : Qu’est-ce qu’il viendrait se mêler de l’Ecole ? Un footballeur, généralement, ça n’y est jamais allé… Et puis, tous ceux qui ont de l’argent donnent de l’argent aux soignants en ce moment…
Le directeur de cabinet : Non, ça peut pas être lui…
La secrétaire : C’est Kylian du CVC…
Le ministre : Le CVC ?… C’est quoi ça le CVC ?
Blandine : Le Conseil de la Vie Collégienne, monsieur le ministre.
Le ministre : Ca existe encore ce truc ?
Blandine : C’était dans le projet de Rénovation de l’Ecole.
Le ministre : Mais, enfin, j’ai tout supprimé de ce que l’autre conne avait fait avant moi…
Blandine : Faut croire que non.
Le conseiller 3 : Je crois que je me souviens. Vous deviez signer le texte d’abrogation en 2018 et puis vous avez fait du paddle… Et vous avez eu un début d’insolation et vous n’avez pas signé.
Le ministre : Si c’est comme avec les autres du CVL, ça va être galère…
Le directeur de cabinet : Il est plus jeune que les Kevin ou Charlotte qu’on a d’habitude sur les bras, vous allez l’impressionner et il ne dira rien. Et s’il dit quelque chose, on fera comme d’habitude et on ne l’écoutera pas.
Le ministre : D’accord, passez-le moi. Et après, Madeleine, vous partez de suite en ambulance à la maternité. Si vous attendez trop, ça va être embouteillé avec toutes les naissances provoquées par le confinement.
La secrétaire : Mais qui va me remplacer, monsieur le ministre. Vous savez que je vous suis dévouée depuis 30 ans ?
Le ministre : Une qui n’avait pas vraiment envie de rentrer au Vésinet tout de suite.
Le directeur de cabinet : C’est quand même étrange ce mal qu’on a aujourd’hui à trouver des gens qui veulent travailler au ministère.
Le conseiller 1 : C’est comme pour les profs, je ne comprends pas…
Blandine : Mais… Euh, non rien…
Le ministre : Au lieu de faire semblant de philosopher, passez-nous le Kylian qu’on s’en débarrasse et qu’on passe à la suite.
Blandine : Et comment je fais ?
La secrétaire : C’est le bouton bleu à côté du bouton rouge.
Blandine : Mais il est plein de poussière…
Le ministre : C’est normal, je n’ai pas encore eu le temps de réformer le collège. Pourquoi est-ce que j’aurais perdu du temps à aller discuter avec des collégiens pour leur expliquer ce que j’avais décidé qu’ils devaient accepter après une grande consultation ?
La secrétaire : Vous connaissez la sténo pour prendre en note ce qui va se dire ?
Blandine : Je parle sept langues dont l’araméen du sud et j’ai une mémoire auditive et visuelle, ça devrait aller.
Le ministre : Bonjour Kylian…
Kylian : C’est toi le ministre des cours qu’on n’a pas envie d’y aller ? le chauve qui peut pas grand-chose pour que je réussisse ?
Le ministre : Oui, je suis le ministre de l’Education Nationale… Et il serait plus juste que tu me vouvoies.
Kylian : Ben, je vous vois pas ! Ca aurait été quand même plus fun de se faire un WhatsApp…
Le ministre : Un WhatsApp ?
Kylian : Ah oui, c’est vrai que t’es un vieux, toi…
Le ministre : Vous !
Kylian : T’es un vieux vous ?! Ca veut rien dire !…
Le ministre : Oui, bon, qu’est-ce que tu nous veux ? On est un peu pressés là ; on a la rentrée du 11 mai à préparer. Et elle est importante cette rentrée, tu le sais.
Kylian : Ben voilà, c’est justement de ça que je dois te vous causer, monsieur le ministre, en tant que représentant des CVC. Nous, on est contre la rentrée…
Le conseiller 1 : Tu m’étonnes ?!
Le conseiller 2 : A faire éduquer les élèves par des flemmards de profs, on obtient des flemmards d’élèves.
Le conseiller 3 : Les Alsaciens ne font pas des tchats…
Le conseiller 1 : Mais ça veut rien dire…
Le conseiller 3 : Oui, mais j’ai eu envie de dire un truc drôle pour détendre l’atmosphère.
Kylian : On a fait un discord avec 300 représentants des CVC et on est tous tombés d’accord. Il faut pas faire cette rentrée.
Le conseiller 1 : Tu m’étonnes ?!
Le conseiller 2 : A faire éduquer les élèves par des flemmards de profs, on obtient des flemmards d’élèves.
Le conseiller 3 : Les Alsaciens ne font pas des … Non, rien…
Le ministre : Mon petit Kylian…
Kylian : Je fais 1m80, m’sieur le ministre.
Le ministre : Ok. Mon grand Kylian, c’est pour nous une question d’honneur. Nous devons vous remettre au travail afin que votre formation ne prenne pas de retard et que vous puissiez avancer avec calme et sérénité vers un succès dans votre scolarité.
Kylian : Dis, m’sieur le ministre, tu me prends pour un sandwich au jambon ou quoi ? Ma scolarité, elle va pas prendre de retard puisqu’on ne redouble plus. Donc, je vais passer dans la classe d’après. Et pour le succès, avec 2,3 de moyenne en maths c’est mal parti.
Le ministre : Il ne faut pas se décourager.
Kylian : Oh ça va !… Tu parles comme un bulletin scolaire… Moi je veux bien pas me décourager mais comme je ne comprends rien, j’ai pas envie que ça recommence, ton collège à la noix d’acajou.
Le conseiller 1 : Tu m’étonnes ?!
Kylian : Evidemment, vos conseillers, c’est tous d’anciennes tronches. C’est des intellos… Ils peuvent pas comprendre.
Le conseiller 3 : Alors, ça c’est pas vrai ! Moi, j’ai redoublé ma dernière année de crèche.
Le conseiller 1 : Eh ben, c’est du propre !
Le conseiller 3 : Ben, non, c’était justement ça le problème.
Kylian : On ne veut pas rentrer d’abord parce qu’on ne voit pas pourquoi les plus âgés, les grands cons comme mon frère qui est au lycée ils seraient dispensés de cours et nous on devrait travailler en classe.
Le ministre : Mais les grands, comme tu le dis, travailleront aussi… Mais à distance.
Kylian : Mais moi aussi, je veux travailler à distance ! Surtout à distance de monsieur Le Bronchier, le prof de maths, qui est venu nous expliquer qu’il fallait rester positif dans l’étude des nombres négatifs avant de conclure que j’étais un zéro !
Le directeur de cabinet : Monsieur le ministre, il faut en finir et passer à autre chose.
Le ministre : Donc, tu ne veux pas savoir tout ce qu’on a mis en place pour que cette rentrée se passe bien ?
Kylian : Si vous avez pas mis des Playstation et du gel pour les alcooliques dans les classes, je vois pas bien ce qu’il peut y avoir d’intéressant.
Le ministre : D’abord, pour votre sécurité sanitaire, vos tables seront espacées de deux mètres.
Kylian : Deux mètres ? Mais comment on va faire pour bavarder ?
Le ministre : Ensuite, vous aurez tous un masque de protection.
Le conseiller 1 : Ah, finalement, il y en aura ?
Le conseiller 2 : Je croyais qu’on avait dit qu’ils ne servaient à rien.
Le conseiller 3 : Oui, mais avec tous les maires qui ne vont pas ouvrir leurs écoles, on devrait en avoir assez…
Kylian : Ils vont nous protéger des profs, ces masques ?
Le ministre : Non, du virus !
Kylian : Mais, attends, il est dangereux ou pas pour moi ce virus ?
Le conseiller 1 : Alors, là, ça dépend…
Le conseiller 2 : On n’a pas certitudes à 100 %.
Le conseiller 3 : Mais si on suit les gens qui disent ce qu’on a envie d’entendre, vous ne risquez rien.
Kylian : Mais, alors, pourquoi un masque si on risque que dalle ?… Et puis, je pense à Fatima. Depuis la sixième, on l’a fait iéch parce qu’elle arrive au collège avec son voile et qu’on ne voit que ces yeux. Et là, on va lui dire de faire l’inverse.
Le ministre : Ce n’est pas la question… Là, on s’adapte à la situation…
Kylian : Ouais, en gros, tu sais pas où tu vas et t’essayes de sauver ta place…
Blandine : Il est pas con, le jeune…
Kylian : On te voit partout. Avec tes lunettes. Sans tes lunettes. T’as toujours un truc à dire mais les gens ils sont pas zup, tu dis que de la merde.
Le ministre : Ah, je ne te permets pas de me parler comme ça, petit con !
Le directeur de cabinet : Avec tout ce que monsieur le ministre fait pour vous, vous devriez être plus respectueux.
Kylian : Tu veux que je respecte qui, eh, bouffon ?!… Si on doit avoir deux mètres entre nous, ça va faire une queue de 60 mètres dans le couloir avant d’entrer en classe. On va se croire à la sortie du dernier Marvel. Et encore, sans le pop-corn !
Le ministre : Mais tout le monde ne va pas venir en même temps ! Filez-lui le protocole, qu’il le lise s’il est capable de maîtriser les fondamentaux et qu’il revienne me déranger ensuite.
Kylian : J’ai aussi entendu que tu voulais plus qu’on mange à la cantine et qu’on emmène notre manger au collège. C’est interdit par le règlement du bahut : on doit pas amener à bouffer au collège ! Alors, on fait quoi ?
Le ministre : On va adapter tout cela. C’est le rôle des directeurs d’école et des principaux de collège. Avec toutes les augmentations qu’on leur file…
Kylian : Ben, moi, mon principal, monsieur Rouviaux, il adapte rien. C’est toujours deux heures de colles. Que tu jettes de la purée à la cantine ou que tu mettes un parapluie entre les jambes d’une prof pour la faire tomber dans l’escalier. Il fait tarif unique.
Le ministre : Faites-le taire !
Kylian : Tu sais ce que je pense, m’sieur le ministre ? Je pense que t’as aucune idée d’où tu vas parce qu’en fait tu n’y connais rien. Avec toi, c’est tout le temps la truite en avant. Tu avances à toute vitesse en te faufilant entre les emmerdes.
Le ministre : Coupez la liaison ! Je vais faire un malheur !
Blandine : Il faut appuyer sur le bouton rouge pour faire ça ?
Le ministre : Non ! Surtout pas !
Kylian : Dis, m’sieur le ministre, moi je veux bien qu’on retourne au collège mais alors tu viens avec nous puisque ça risque rien. C’est ce que dit Charlotte : le ministre, il a de la gueule mais pas beaucoup de courage.
Le ministre : Charlotte ?! Quelle Charlotte ?
Kylian : Ben, Charlotte… La meuf à mon frère…
Le directeur de cabinet : Mais tu es d’où, toi ?
Kylian : Moi, j’suis de Grigny, m’sieur… Je vais au collège Cristina Cordula…
Le ministre : Et ton frère, il s’appelle pas Kevin des fois ?
Kylian : Ah ben si, m’sieur. Comme qu’tu crois que j’ai eu ton 06 ?… Alors, si tu veux pas quitter, y a ma frangine, Cynthia, qu’est en CM1 qui a des questions à te poser sur le savon dans les toilettes des filles.