Veillée d’armes avant le 11 mai. Faisons le point calmement.

Le ministre : Bien, je vous remercie d’être tous là pour cette veillée d’armes. Demain sera un jour glorieux pour la France, pour les platanes et pour moi.
Le conseiller 1 : Vous êtes Napoléon avant Austerlitz.
Le conseiller 2 : Vous êtes le duc d’Enghien avant Rocroi.
Le conseiller 3 : Vous êtes Hannibal avant la traversée des Alpes.
Blandine : Vous êtes Grouchy avant Waterloo…
Le ministre : Vous êtes toujours là, vous ? Elle n’est toujours pas revenue, Madeleine ?
Blandine : Non. Mettre au monde deux jumeaux un mois après terme, c’est chaud.
Le ministre : Elle revient quand alors ?
Blandine : Demain…
Le ministre : Quand je vous disais que demain serait un jour extraordinaire !
Le directeur de cabinet : Donc, au menu de cette dernière réunion, mise au point générale puis communication aux familles et aux élèves.
Blandine : Et aux profs ?
Le ministre : S’ils n’ont pas acheté aujourd’hui le JDD, le Parisien, le Monde, Rustica et Tatoo-Magazine, je ne peux rien faire pour eux.
Le directeur de cabinet : On pourrait peut-être leur envoyer un récapitulatif ce soir vers 22 heures.
Le conseiller 1 : Inutile ! Ils n’auraient pas le temps de le lire.
Le conseiller 2 : Même en cent ans, ils n’auraient pas le temps de le mettre en pratique.
Le conseiller 3 : Ils n’auraient plus d’encre pour l’imprimer.
Le ministre : Ils auraient surtout la flemme de le lire !
Le directeur de cabinet : C’est évident. A cette heure-là, ils sont devant le film, ces feignasses !
Le ministre : Parce que je sais qu’ils ont décidé de me pourrir cette reprise…
Blandine : Ce n’est pas une reprise.
Le ministre : Oui, cette rentrée…
Blandine : Ce n’est pas une rentrée.
Le ministre : C’est quoi alors ?
Le conseiller 1 : Une rentrise ?
Le conseiller 2 : Une reptrée !
Le conseiller 3 : Joker !
Blandine : C’est un retour en classe… Bon sang ! Les mots ont un sens.
Le ministre : Oui, mais uniquement quand ça nous arrange.
Le conseiller 4 : Vous ne devez pas tomber dans la véhémence. Ce n’est pas bon pour vous.
Le conseiller 1 : Qui c’est lui ?
Le ministre : Une personne que vous n’avez encore jamais rencontrée mais qui m’accompagne depuis un mois.
Le conseiller 2 : Encore un nouveau ?! Déjà qu’il faut qu’on supporte la fille !
Le conseiller 3 : C’est vrai. Plus il y a de personnes, plus il y a d’idées et plus on est tenté d’essayer de trouver la meilleure au lieu de chercher celle qui fera parler le plus.
Le ministre : Monsieur… Nous l’appellerons monsieur Matignon… est là sur recommandation de la conseillère en communication du Président de la République pour essayer d’atténuer une certaine raideur dans ma communication.
Matignon : Voilà ! Nous sommes déjà dans l’après.
Le directeur de cabinet : Donc, si vous voulez accompagner le mouvement, sachez écouter les bons conseils de monsieur Matignon.
Le ministre : Bien… Alors quel bilan de mes différentes interventions de ce matin ?
Le conseiller 1 : Les profs sont en rage.
Le conseiller 2 : Les chefs d’établissement sont en route pour l’asile le plus proche.
Le conseiller 3 : Les gens qui n’ont pas d’enfants scolarisés sont rassurés.
Le ministre : Parfait, c’est tout ce qui compte.
Matignon : Ne donnez pas l’impression d’être content de vous.
Le ministre : Mais je suis content de moi. Ce virus me permet d’accélérer la décomposition du système scolaire encore plus vite que prévu. Mon seul souci, c’est que Frédérique Vidal aille plus vite que moi pour les universités.
Le conseiller 1 : Elle a pris de l’avance…
Le conseiller 2 : Elle parle déjà de la prochaine rentrée.
Le conseiller 3 : Les cours à distance tout ça tout ça…
Le directeur de cabinet : C’est vrai qu’elle va réussir à faire faire chaque cours par un seul professeur pour toute la France.
Le ministre : Nous y viendrons…
Le directeur de cabinet : Si c’est en retard, on aura l’air fin.
Le ministre : Au contraire, nous pourrons dire que nous préparons les élèves aux nouvelles exigences du supérieur. Dès la sixième, prise de notes devant les émissions de Lumni sur France 4…
Le conseiller 1 : Et vérification auprès du professeur ?
Le ministre : Mais non. Vérification de la prise de notes par les parents.
Le conseiller 2 : Mais s’ils n’y connaissent rien les parents, comment ils vont vérifier ?
Le ministre : Ils iront sur VerifCours.
Le conseiller 3 : VerifCours ? On a déjà réfléchi sur ça ? C’est un nouveau service du CNED ? Jamais entendu parler…
Le ministre : Ce sera un service payant assuré par les étudiants ayant raté les concours.
Le conseiller 1 : Ah… Ok… C’est ingénieux…
Le ministre : Pourquoi croyez-vous que j’ai parlé d’assistance scolaire gratuite pour cet été ?
Le conseiller 2 : Pour faire bosser les profs davantage.
Le ministre : Oui, mais pas que…
Le conseiller 3 : Pour gâcher les vacances…
Le ministre : Oh, ils ne comprennent rien ! Si je dois conseiller mes conseillers, à quoi me servent-ils ?… En parlant d’une assistance gratuite, je les prépare à l’idée d’une assistance payante.
Le conseiller 1 : Ah… Ok… C’est ingénieux.
Le conseiller 2 : Oui mais alors ? Les profs ?…
Le directeur de cabinet : C’est là que la reprise… la rentrée… enfin, le machin de demain prend toute son importance. Les profs ne risquent rien parce les élèves ne sont pas malades… Mais…
Le conseiller 3 : Vous voulez dire que ?…
Le directeur de cabinet : Nous avons du mal à en recruter ? Non, nous en voulons moins… Mais comme le nombre ne baisse pas encore assez vite…
Le conseiller 1 : C’est pour ça qu’on ne doit rien dire sur la suite des concours ?
Le ministre : Voilà… Tous ceux qui vont se décourager ou ne plus pouvoir attendre, hop ! Contrat à 800 euros chez VerifCours. Génial, non ?
Matignon : Encore une fois, forcez-vous à faire semblant d’être humble. Votre physique vous pousse déjà à l’arrogance, n’en rajoutez pas.
Le directeur de cabinet : Diminution du nombre des profs égale dépenses moins importantes de l’Etat. On va pouvoir augmenter… Ah oui, au fait, on augmente qui déjà ? Je ne sais plus.
Le ministre : Les enseignants qui ont travaillé pendant le confinement.
Blandine : Tout le monde, quoi… Les fameux 300 euros par mois que vous avez annoncé 5 fois. L’année dernière, mon cousin il croyait que j’avais gagné 1500 euros de plus par mois grâce à vos réformes. Bon, faut dire qu’il tient un hôtel et qu’il a BFMTV en boucle à l’accueil.
Le ministre : Tout le monde n’a pas travaillé pendant le confinement ! On a des exemples. Un prof de gym hospitalisé n’a pas donné de cours en ligne pendant un mois.
Le conseiller 2 : J’en ai d’autres… Une prof d’histoire a fait lire le manuel à ses élèves pendant 15 jours.
Le conseiller 3 : Un prof de maths a envoyé l’intégralité du programme dans un fichier pdf et puis il a donner trois pages d’exercices à faire pour le lendemain.
Le conseiller 1 : Euh non, là… Il a fait ce que font toujours les profs de maths. C’est pas un bon exemple.
Le ministre : Enfoncez-vous ça dans le crâne comme j’ai réussi à le faire passer subtilement à chaque intervention média. Après avoir félicité tous les profs pour leur engagement, j’ai surtout parlé des profs qui gardaient les enfants de soignants. C’est eux qu’il faut augmenter.
Le directeur de cabinet : De 1000 euros, c’est bien ça ?
Le ministre : C’est ce qu’on a dit.
Le conseiller 2 : Oui mais… 1000 euros, ce serait s’ils avaient fait un travail normal devant une classe normale. Là, ils avaient quoi ? 7 à 12 élèves. Ca fait quoi ça en salaire ?
Le conseiller 3 : 300-400 euros…
Le ministre : D’accord. Disons 250 euros et on n’en parle plus.
Le conseiller 1 : Brut ou net ?
Le ministre : Ben, brut… Depuis quand est-ce qu’on donnerait le salaire réellement touché par un prof ?
Le directeur de cabinet : Quels retours sur l’évocation de Phèdre pour le Bac français ?
Le conseiller 1 : Les profs de lettres sont vent debout.
Le conseiller 2 : Déjà qu’ils flippent de devoir rester enfermés des heures avec des élèves à un mètre de leur visage.
Le conseiller 3 : Mais c’était bien de parler de Phèdre. C’est bien dans l’esprit « retour aux fondamentaux ». Vous auriez évoqué « Ils s’aiment » avec Larroque et Palmade, ça aurait fait moins peur.
Le ministre : L’objectif est clair. Il faut à nouveau remplir les écoles…
Blandine : Et puis après les hôpitaux.
Le ministre : Retenez-moi ou je fais un malheur ? Conseillère de la Présidente ou pas…
Matignon : Vous devez contrôler vos impulsions. Un croque-mort agité n’est pas un croque-mort crédible. Ben vous c’est pareil…
Le ministre : Je ne peux pas. Elle m’énerve ! Elle vient porter la contestation en plein cœur du ministère. Si j’ai viré les syndicats, les profs, les associations, hormis ceux et celles qui me soutiennent, c’est pas pour que mes conseillers me contestent !
Blandine : Mais enfin, avouez que plus personne n’y comprend rien… Comment monsieur Matignon pourra-t-il réussir à vous rendre crédible en chef de gouvernement si on ne comprend pas ce que vous voulez faire et pourquoi vous voulez le faire.
Le ministre : C’est ma technique, on ne la discute pas !… J’affeule la motte !
Matignon : Pardon ?!
Le ministre : Non… J’affole la meute… Vieille technique valenciennoise… Quand tout le monde est perdu, on se saisit de la première main qu’on vous tend.
Blandine : Et si on ne la saisit pas ?
Le ministre : On se la prend dans la gueule !…
Matignon : Non !!! Pas de vulgarité dans les propos ! Regardez Sarkozy. On l’avait prévenu mais paf ! Casse-toi pov’ con. Et de suite après, la conséquence. Des ennuis avec Khadafi.
Blandine : Et si on ne la saisit pas ?
Le ministre : On se la prend dans la gueule !…
Matignon : Non !!! Pas de vulgarité dans les propos ! Regardez Sarkozy. On l’avait prévenu mais paf ! Casse-toi pov’ con. Et de suite après, la conséquence. Des ennuis avec Khadafi. Tout se paye !
Le ministre : Eh bien, je le ferai construire spécialement. Elle donnera des cours d’histoire et de chirurgie maxilo-faciale aux pingouins et aux manchots. Si on a supprimé les CAPA pour les mutations, c’était bien pour avoir ce genre de petits plaisirs…
Le directeur de cabinet : Sinon, il y a le collège Eugène Boudin à Lalézion… 2 % de réussite au brevet des collèges.
Le ministre : Non, ce serait encore trop doux ! Mademoiselle, quand on a comme vous et moi été éduqué dans l’enseignement privé, on ne défend jamais le public !
Le directeur de cabinet : C’est vrai que cela peut facilement s’assimiler à une trahison.
Le ministre : D’ailleurs, j’y pense, vous me ferez la liste de tous ceux qui parlent dans les médias pour critiquer ma rentrée géniale de demain. On les enverra là-bas aussi.
Le conseiller 1 : ça va faire du monde…
Le conseiller 2 : Et s’il y a trop de monde au collège, on sera obligé de construire aussi un lycée.
Le conseiller 3 : Et la région ne sera peut-être pas d’accord. Peut-être qu’elle préférera d’abord acheter des manuels numériques.
Le directeur de cabinet : Bien, je crois que nous avons vu l’essentiel…
Matignon : Monsieur le ministre, arrêtez de vous toucher le visage tout le temps comme ça, vous donnez le mauvais exemple en matière de geste barrière.
Le ministre : Et alors ? ça me gratte !
Matignon : C’est un moyen de vous critiquer sur un élément hautement sensible.
Le ministre : Ben, justement, c’est hautement sensible, c’est pour ça que ça me gratte.
Blandine : ça vous chatouille ou ça vous gratouille ?
Le ministre : On a dit Phèdre !!! Pas Knock !!! La culture classique, Bon Dieu ! Pas les sketchs d’Omar Sy !… On va augmenter le niveau, j’ai dit. On va sauver les décrocheurs, j’ai dit. On va faire de la musique et de la chorale, j’ai dit. Et demain retour en classe, j’ai dit.
Blandine : Le retour du j’ai dit, quoi…
Le ministre : Vous voulez que je vous dise, mademoiselle ? Niveau humour, vous avez le niveau salle des profs. Pas plus ! Café, gitane et discussion syndicale après le repas. Cela ne va pas plus loin.
Blandine : J’ignorais que vous aviez une quelconque compétence en matière d’humour. Quand vous visitez une école, les enfants ont peur… Et encore, je suis sûr qu’on a éloigné les plus émotifs.
Le ministre : Vous soooortez !!! Je ne le redirai pas. Vous sortez !!!
Blandine : Mais si je sors, qui va prendre en note tout ce qui se dit ?
Le ministre : Personne ! Et ça vaudra mieux… Comme ça, tout ce qui se dit ici ne finira pas sur le site de Mr Blue Sky et ça nous fera des vacances.
Blandine : Encore des vacances ?! Chouette, je sors.

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